Par rapport aux catholiques, les églises protestantes arabes ne sont pas assez surveillées, ce qui a encouragé le service de renseignement israélien ‘'Mossad'' à utiliser ces dernières dans ses activités dans le monde arabe. En effet, selon une source bien informée, certaines églises dans le monde arabe et notamment au Maghreb sont devenues les lieux de prédilection pour lancer des activités d'espionnage. Selon la source, le Mossad recrute des chrétiens protestants dans le Maghreb et loue leurs églises pour abriter ses cellules de coordination, dirigées par des agents de liaison. Le Mossad profite de la doctrine évangéliste de l'église protestante qui défend l'Etat d'Israël pour élargir ses activités. Pour comprendre ce ‘'choix'', il faut expliquer la relation émotionnelle entre les protestants et Israël Sionisme chrétien Aux Etats-Unis, on aurait tendance à penser que le lobby israélien se composerait à majorité de juifs. Or, cela serait négliger la pression exercée par les protestants, sans laquelle on ne peut comprendre pourquoi le gouvernement états-unien a souvent soutenu l'Etat hébreu et pourquoi les candidats aux présidentielles de 2012 débattaient autant sur Israël. Les plus enthousiastes défenseurs de l'Etat d'Israël aux Etats-Unis ne sont pas juifs, mais chrétiens. En effet, le sionisme chrétien est plus large en nombre que le sionisme juif. Il s'agit d'un mouvement issu du protestantisme évangélique et qui réunit principalement des chrétiens évangéliques, bien qu'il compte quelques mormons, des témoins de Jéhovah et des juifs. C'est en 2006 que le groupe de pression chrétien le plus actif et le plus visible en sphère publique, géopolitique et médiatique naissait. S'il y a deux noms à retenir dans la première décennie des années 2000, c'est ceux du pasteur John Hagee et de l'organisation Christians United For Israel (CUFI), dont il est à la tête. De plus, le réservoir évangélique pro-Israël pourrait s'estimer à cinquante millions de croyants. Afin d'éviter tout amalgame, rappelons toutefois que tous les évangéliques ne sont ni pro-Israël ni des activistes sionistes. Il y a en effet une variété d'opinions théologiques et politiques parmi ces croyants. On veut comprendre comment cette tendance philosémite et pro-Israël est parvenue à interférer en géopolitique jusqu'à s'institutionnaliser. Pourquoi ces évangéliques ressentent-ils le besoin d'agir politiquement pour Israël alors que beaucoup n'y sont jamais allés ? Pour survivre dans le temps et crédibiliser son action, le message des croyants a dû évoluer en fonction de l'univers washingtonien et de la société états-unienne, lesquels se sécularisent de plus en plus. La doctrine du ‘'dispensationalisme'' Les protestants propagent la doctrine du ‘'dispensationalisme'', qui divise l'histoire de l'humanité en dispensations. La présente dispensation - ou étape - correspondrait au temps de l'Eglise, c'est-à-dire l'ère dans laquelle nous nous trouvons, jusqu'à la fin du monde, laquelle serait ensuite suivie du Millénium, autrement dit le Royaume du Christ sur terre. La fin de la dernière dispensation correspondrait au retour de Jésus, dont le préalable serait l'accomplissement littéral des prophéties bibliques (Esaïe 66, 8; Luc 21, 24). Celles-ci auraient annoncé la restauration d'Israël, puis la prise de Jérusalem par les juifs. Ces croyances se sont vues littéralement validées dans le milieu évangélique en 1948, lorsque l'Etat d'Israël fut proclamé, puis en 1967 lorsque Jérusalem revient sous la juridiction juive. Ces doctrines viennent ainsi embraser le mouvement du sionisme chrétien : l'existence d'Israël est perçue comme un miracle prouvant l'existence de Dieu, qui suit le calendrier annoncé. Ce petit Etat représente alors la raison d'être du mouvement actuel. Toutefois, pour sortir de leur sphère religieuse, d'autres facteurs ont dû motiver les évangéliques à militer géopolitiquement. La majorité morale Ce type de sionisme n'aurait pas pu prendre sa forme politique et activiste sans l'aide de William Eugene Blackstone (1841-1935). En joignant les croyances millénaristes à la compassion, ses coreligionnaires et lui ont porté attention au sort des juifs dès le XVIIIe siècle. Adepte de la prophétie millénariste et partisan du restaurationisme, Blackstone croyait que les Etats-Unis avaient reçu la mission divine de restaurer les juifs dans leur terre ancestrale. Il s'attira ainsi la sympathie des juifs restaurationnistes, bien qu'ils ne saisissaient pas vraiment sa pensée fondée sur une eschatologie particulière. C'est ainsi que Louis Brandeis incita Blackstone à exercer une pression sur l'administration washingtonienne en faveur de la création d'une nation juive. L'alliance judéo-évangélique devient dès lors pragmatique. Elle aboutit à la fameuse pétition appelée The Blackstone Memorial, laquelle cherchait à influencer le président Wilson pour qu'il soutienne la création d'un Etat hébreu. Cette alliance stratégique perdurera et l'activisme de Blackstone montra aux évangéliques pro-Israël le chemin à suivre. Néanmoins, sans l'implication politique des dirigeants religieux tels que les révérends Billy Graham ou Martin Luther King, et surtout sans l'émergence de la droite chrétienne dans les années 1970, le mouvement chrétien sioniste serait certainement resté confiné à la sphère religieuse. Lorsque le pasteur Jerry Falwell fonda en 1979 une organisation politique regroupant des conservateurs et des fondamentalistes chrétiens, The Moral Majority (« La majorité morale »), il fit notamment du soutien sioniste un pilier de son institution.