J'ai toujours choisi les pages de Réflexion pour m'exprimer et dire. Un journal que j'admire à l'image de son initiateur Monsieur Belhamidèche Belkacem qui disait fort ce que tout le monde parlait ou ne parlait si bas. Les écrits restent, il suffit juste de vouloir les relire et s'en servir. Il témoigne des grandes réalisations et en fait l'éloge pour rendre à chacun son mérite. Mais il relate les négligences et les insuffisances afin d'y réparer. C'est ce que traduisent chaque jour ses humbles pages. Pages que je lis et que, fièrement, je partage. En arpentant nos villes, nos villages, nos faubourgs, j'en reviens un peu presque affolé. Des berlines minutieusement ficelées, chevauchant des sentiers bosselés, des rubans fraîchement déroulées, sur les têtes, des lunettes solaires à peine déballées. Les feux d'artifices chargent un ciel déjà bien étoilé, tout y est, si les places publiques, les rues et les ruelles étaient aussi propres à l'image d'une bergerie que les femmes d'autrefois se levaient tôt pour récurer à l'aide d'un balai fait main à base de branchettes, tout comme leurs âmes, si bien parfumées. Les bruits et les tintamarres ne seront, somme toute, qu'un hymne pour le sale! Subissant l'échec dans cette épreuve élémentaire du propre, rien n'a de sens. Tous les accessoires du paraître hâtivement recherchés dans les débris des cultures autres ne font qu'aiguiser les contradictions qui déplaisent. Le texte que le mal m'inspire et me fait dire, m'interpelle en premier. Je ne prétends point être donneur de leçons. Je suis aussi concerné comme un vain pollueur et assume ma part de responsabilité. Je m'en veux et je m'insulte moi-même ! Je me souviens encore de la beauté et du civisme de nos aïeuls, de nos pères, de nos mères et de nos grands-mères. Certes, les grandes villes de ce monde ont leurs bidonvilles, elles peuvent aussi avoir leurs formes de sale, mais notre pays, si beau, a le devoir et le droit de briller car il est d'or ... Encore enfant, sous le ciel de l'Algérie indépendante, Feu Menouer, venait inviter les habitants à peindre devantures et façades. Ce fut durant le mois d'avril comme pour accueillir l'été dans une tenue nouvelle. Ce fut avant Internet et les grands discours, un dans plus d'une ville où je m'y suis rendu pas un mètre carré de peint. Les trottoirs plus que jamais crasseux. Et pour la première fois, je vois des arbres sales. L'arbre, symbole de générosité, semble être détourné afin d'être porteur d'un discours de négligence et semble se prêter à être une source de mal. S'attarder à se coiffer, s'acharner à se tailler de fines mèches sur nos têtes asséchées ! Quel hommage à l'apparence trahie par l'impropre sacré ! Doit-on alors encore investir dans la Culture et lui réserver de nobles édifices alors que nos esprits ont échoué dans l'épreuve élémentaire: faire propre!? La poésie ? L'art ? Les conférences ? Les expositions ? Le théâtre? Faut-il en découdre avec des discours bluffeurs et des messages compatissants pour des tribunes sincères ? Ne doit-on pas poser les justes questions et s'ingénier à rechercher les bonnes réponses? L'art, ne doit-il pas opter pour un seul thème: le propre au lieu de s'inscrire dans des thèmes virtuels relevant de la fantaisie intellectuelle ? Dans des grandes salles, climatisées, apparemment neuves, on déguste des glaces avec comme imposant contexte un cimetière de bouteilles, de papiers et de chaussées creuses, le tout débordant d'un parfum nauséabond mortel. Et dire, qu'un sac de chaux et un peu de foi puissent si bien rendre l'âme à ces espaces conquis par le sale ! Et comme clin d'œil à l'humour, et dans la foulée des discours universels, on évoque l'écologie et l'environnement à moins que c'est de nos grands-mères que l'on parle et de nos grands-pères, ceux et celles qui étaient bien dans la modernité, dans le bio, dans la sagesse, sans le dire, car préoccupés plutôt à le faire et à le vivre. A dire vrai, Mostaganem est pourtant mieux propre. Des chantiers entiers s'acharnent à redessiner la ville. Nous devons tous encore mieux faire. Je me suis laissé dire que certains éboueurs ont pour mesquine solde 6000 Da! Je peux bien me tromper ou être mal informé. Dans tous les cas, leur destin n'est point meilleur. J'ai vu de mes yeux des éboueurs en claquettes! Peu importe si c'est par négligence ! Des éboueurs sans gants! En 1995, quand le silence était une foi, j'ai passé une nuit auprès des éboueurs à Oran. Mon reportage était alors intitulé " Les hommes de la nuit". Aujourd'hui, n'ayant que le pouvoir de la parole ou presque, je le redis encore. Au plus haut sommet de la hiérarchie doivent être les éboueurs. Les artisans les plus payés devraient être les éboueurs. J'en veux à ces élus qui empochent des cagnottes sans rendre compte de l'urgence qui n'est autre que l'hygiène. Point de poésie! Point de mode! Point de sacré sans que dans nos âmes la notion du beau et du propre ne soit ancrée. Permettez-moi alors, au nom de la modernité, de saluer ces femmes qui sur le dos, portaient des fûts de bois pour aller puiser l'eau bien loin de chez soi ! Elles, elles étaient belles et c'est grâce à l'image que nous gardons d'elles qu'il nous arrive encore parfois d'admirer quelque femme ... Sur les rivages d'une ville, elles longeaient la côte. Des mèches rebelles, des lunettes débordantes. Fumées, ces lunettes rendent les déchets plus beaux .... La bataille élémentaire, mère de toutes les batailles, celle de l'hygiène, à l'esprit bien ailleurs.