El Kala (Wilaya d'El Tarf) est un petit port de pêche proche de la frontière tunisienne. Son nom, a, de tout temps, évoqué le corail rouge, le plus beau de toutes les mers selon le géographe El Idrissi (1150). El Sahel El Mordjane (le littoral du corail), s'étend en effet de Tabarqa en Tunisie jusqu'au Cap de Garde à Annaba. La région d'El Kala compte sur l'ensemble de son territoire un nombre considérable de sites historiques qui recèlent d'innombrables vestiges de civilisations éteintes. Le patrimoine préhistorique, attesté par la découverte d'outils lithiques, remonte au paléolithique inférieur (- 1,8 million d'années à - 100 000 ans). Les vestiges mégalithiques (dolmens, meules, pressoirs, sarcophages, monuments funéraires) disséminés à travers le territoire, particulièrement dans les massifs montagneux de Bougous, de Segleb et de djebel El Ghorra, témoignent de la présence d'une civilisation protohistorique et antique. C'est, également la région du pays qui a donné le plus de pièces en volume pour la période puniquo-libyque. La concentration des foyers historiques dans les zones montagneuses ou sur le littoral atteste de l'existence d'une activité agricole caractérisée par la céréaliculture, la culture de l'olivier principalement et d'une activité maritime basée sur la pêche du corail et le commerce. Les seuls vestiges phéniciens de la région sont ceux des ruines du comptoir commercial du Cap Segleb (Cap Roux). La présence de colonnes, de chapiteaux, d'amphores et en particulier de pressoirs à huile d'olive, concentrés généralement dans les piémonts, les plaines et le littoral, témoigne de l'époque romaine. Récemment, plusieurs sites archéologiques, d'une valeur historique inestimable, ont été répertoriés par une équipe scientifique algéro-italienne dans le Parc National d'El Kala (http://lasa.lett.unitn.it). Entamés en juin 2003 dans le cadre d'un accord de coopération entre l'université italienne de Trento et par l'Agence Nationale d'Archéologie, les fouilles (conduites par le Professeur Mariette de Vos et le Docteur Reda Attoui,) visent l'élaboration de la carte archéologique de l'est algérien (projet 2003-2007). Durant les trois premières compagnes estives 2003-2005, l'équipe a poussé ses recherches jusqu'à l'intérieur de la forêt du djebel Oum El Skek situé au douar El Nehd, la zone d'El Aïoun, la vallée entre oued Jenane et oued El Hout, le versant est du lac Tonga, le bord de l'oued Kebir au nord d'El Tarf près de la commune de Aïn Khiar, les sites de Mzira sur la côte à l'ouest d'El Kala ainsi que les environs d'Oum Teboul (Dredir, Segleb et Haddada). A ce jours, ces prospections ont permis de répertorier un réseau de plus de 150 sites archéologiques, dont une vingtaine de concentrations d'outils préhistoriques et une centaine de fermes ou concentrations de fermes, toutes pourvues d'une huilerie, et dont la construction remonte à l'époque romaine (la plupart reconsolidées et réutilisées jusqu'à la fin de l'époque Byzantine). Quant à l'état de conservation des sites archéologiques du Parc, ces derniers sont abandonnés aux intempéries et à l'envahissement de la végétation. Ils sont aussi sujets à des actions de destruction (généralement par ignorance) de la part des populations locales (construction de puits et habitations) et des collectivités locales (aménagement d'infrastructures de base). A la question de savoir si le professeur a perçu une volonté chez les autorités locales de préserver ces richesses de cette anarchie urbanistique qui se généralise à tout le pays, Mme Mariette de Vos répondra par l'affirmative et dira que le directeur de la Culture de la wilaya lui a demandé la carte archéologique et géographique pour programmer l'aménagement du territoire. Le directeur de l'Agence Nationale d'Archéologie prend le relais pour affirmer que l'Agence est intéressée et impliquée dans la perspective de la préservation. "Ça peut paraître utopique, mais c'est là la décision du Ministère de la Culture et de l'Agence", conclura-t-il...Les rares monuments significatifs représentant la période médiévale sont localisés dans la région, à savoir : la forteresse ou comptoire fondé vers le 9ème siècle par les Aghlabides de Mahdia (Tunisie) ainsi qu'une forteresse Génoise sutués à proximité de la plage du Cap Segleb ; le Fort Moulin édifié par les Ottomans sur les hauteurs du port d'El Kala. Dans l'antiquité romaine, la localité d'El Kala se nommait Tuniza ; elle est baptisée Mers El Kharez (port aux breloques ou port aux perles) par les arabes, devient par déformation la Calle de Marsacarèse par les Français, puis finalement la Calle ou Kala (plus exactement Qala) en arabe (terme marin synonyme de débarcadère). Son petit port de pêche servait de havre aux navires, grâce à sa presqu'île parallèle au rivage, qui en faisait un abri naturel. Mers El Kharez n'était, à ses débuts, qu'un nid de corsaire barbaresques, nous affirme le polygraphe El Bekri (1068) : « On construit à mers El Kharez des vaisseaux et des bâtiments de guerre qui servent à porter le ravage dans les pays des Roum. Cette ville est le rendez-vous des corsaires ; il en arrive de tous les côtés, attendu que la traversée de la Sardaigne est assez courte pour être effectuée en deux jours.» C'est à partir du 16ème siècle, avec l'arrivée de méridionaux européens que le commerce du corail prend véritablement son essor à Mers El Kharez. Deux négociants Marseillais d'origine Corse, Thomas Lenche et Carlin Didier, obtinrent de la Régence d'Alger, l'autorisation de pêcher le corail sur toute la côte orientale de la Barbarie moyennant une très forte redevance annuelle. Vers 1553, ils fondèrent à 10 de Km à l'ouest de la Calle, au lieu-dit la Vieille Calle, la première Compagnie du corail qui sera baptisée le "Bastion de France". Premier établissement français en Algérie, la concession devint très vite un foyer très actif où des milliers de pêcheurs méditerranéens, pour la plupart d'origine italienne, s'installèrent au Bastion. C'est la Presqu'île de la Calle qui devient le lieu d'habitation de l'ensemble des employés de la société et constituèrent une véritable petite colonie. Les bénéfices tirés de la vente du corail étaient considérables et faisaient prospérer les principales tribus locales : les Mazoule, les Nahd et les H'nencha. Mais bientôt d'autres produits du sol algérien vinrent s'y joindre clandestinement, en particulier les céréales, les cuirs, les chevaux et la laine. En échange, des draps, des soieries et surtout des armes étaient importés. L'histoire du Bastion de France est coupée d'incidents déclanchés par représailles sur ordre du dey ou par le brigandage indigène. Marchands et envoyés du roi de France ont tendance à se considérer comme en pays conquis et à transformer en place forte une concession qui, selon les traités, doit demeurer exclusivement comptoir commercial réservé uniquement à la pêche au corail. L'établissement sera plusieurs fois détruits et reconstruits.