Une étude chinoise suggère que le coronavirus humain peut infecter les furets et les chats. Ces derniers pourraient même se contaminer entre eux par gouttelettes respiratoires. Mais les chiens et animaux d'élevage sont épargnés, et rien n'indique le virus peut se transmettre entre humains et animaux. On sait que le nouveau coronavirus nous a été transmis par les chauves-souris rhinolophes. Mais peut-il toucher «d'autres espèces animales, qui deviendront à leur tour des réservoirs d'infection» ? Notamment les chiens et les chats, les animaux domestiques et d'élevage qui côtoient de près la population humaine ? Et si oui, comment le virus affecte ces animaux, sur l'échelle allant des symptômes grippaux modérés à la mort, comme chez l'homme ? Une équipe de scientifiques du laboratoire de recherche vétérinaire à Harbin, en Chine, commence à étudier la question. Ils ont mis en ligne mardi une première étude – à prendre avec beaucoup de pincettes car elle est seulement prépubliée sur le site bioRxiv, c'est-à-dire qu'elle n'a pas encore été validée par des pairs selon le protocole habituel des études scientifiques. En outre, l'échantillon de cobayes est minuscule. Mais c'est un début qui ouvre des pistes intéressantes : «Nous avons observé que le virus Sars-CoV-2 se réplique mal chez les chiens, les cochons, les poulets et les canards, mais de manière efficiente chez les furets et les chats», résument les chercheurs chinois. Les furets sont des cibles classiques dans les études sur les infections respiratoires, et servent déjà de cobayes à des prototypes de vaccins contre le Sars-CoV-2. L'expérience chinoise leur a inoculé deux souches du coronavirus, l'une isolée sur un patient humain et l'autre en provenance du marché de Wuhan où l'épidémie a démarré. Les furets sont bien tombés malades, confirmant qu'ils sont sensibles au virus. Certains furets ont perdu l'appétit et eu de la fièvre, d'autres n'ont pas montré de symptômes même s'ils portaient le virus. Pour les chercheurs, «les résultats indiquent que le Sars-CoV-2 peut se répliquer dans les voies respiratoires supérieures [du nez au larynx, ndlr] des furets pendant huit jours, sans causer de maladie sévère ni de mort». En revanche, les chiens, cochons, poulets et canards semblent insensibles au virus. Quant aux félins domestiques, particulièrement surveillés depuis qu'on soupçonne un chat belge d'avoir contracté le Covid-19, ils sont bien susceptibles d'être infectés et même de transmettre le virus. Les chercheurs ont «observé que le virus se transmet chez les chats via les gouttelettes respiratoires», soit les petites gouttes de salive qu'ils peuvent expulser en crachant par exemple. L'équipe chinoise a inoculé le coronavirus à cinq chats de laboratoire âgés de huit mois, des adolescents. Deux d'entre eux ont été euthanasiés six jours plus tard pour évaluer le stade d'infection dans leurs organes. On a retrouvé la trace du virus dans leurs narines, leur palais et leurs amygdales pour les deux chats, ainsi que la trachée de l'un des chats et l'intestin de l'autre. Signe que le virus a colonisé leurs voies respiratoires supérieures et est même descendu plus bas. Aucun acide ribonucléique (ARN) viral n'a été trouvé, en revanche, dans les poumons. Les trois autres chats ont été isolés dans des cages séparées et, «pour surveiller la transmission par les gouttelettes respiratoires, un chat non infecté a été placé dans une cage adjacente à chaque chat infecté». Il n'y avait plus qu'à attendre de voir si les chats sains tombaient malades. «Il était difficile de récolter régulièrement des échantillons nasaux sur les chats adolescents car ils étaient agressifs», rapportent les chercheurs (sans blague). «Pour éviter les blessures», ce sont donc les excréments des félins qui ont été analysés jour après jour, et leurs organes après l'euthanasie finale. Les excréments contenaient de l'ARN viral chez tous les chats infectés au bout de cinq jours, et chez un seul des chats exposés, mais propagé dans tout son corps (intestin, trachée, etc.). Ce chat contaminé a également produit des anticorps contre le Sars-CoV-2. L'expérience de la transmission a été répétée avec un autre groupe de chatons âgés de deux à trois mois. Là encore, les trois chatons infectés se sont laissé envahir par le virus. Ils étaient plus gravement atteints que les adultes, avec «des lésions massives dans la muqueuse nasale et trachéale, ainsi que les poumons». Et l'un des trois chatons exposés a été contaminé. Bilan : le virus peut faire son nid aisément chez les chats, et semble pouvoir se transmettre entre eux par crachats. Rien ne dit en revanche qu'un humain peut transmettre le virus à son chat, ou inversement. Sans informations à ce sujet, «on recommande de prendre les précautions habituelles de lavage des mains quand on manipule les animaux, et d'éviter les contacts trop intimes, surtout si on est malade du Covid19», suggère au Guardian Eric Fevre, spécialiste des maladies infectieuses animales à l'université de Liverpool. On évitera par exemple de se frotter au museau de son chat. «Il n'y a pas lieu de paniquer, renchérit le virologue Jonathan Ball. Les chats jouent un rôle sans doute inexistant, ou au pire mineur, dans la transmission du virus. Si vous avez le Covid-19 et que vous avez un chat, essayez de limiter les contacts rapprochés avec votre animal à poils jusqu'à votre guérison, c'est tout.» En France, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a réuni un groupe d'experts qui estime très peu probable la transmission du virus entre hommes et animaux.