Etrange endroit que le marché des animaux sauvages de Huanan, à Wuhan, d'où serait partie, le 17 novembre 2019 – il n'y a presque plus de doute – l'épidémie du Covid-19. On y vendait, entre autres, de la viande de crocodile, de louveteau et, bien sûr des chauves-souris et des pangolins. Le pangolin est le seul mammifère à porter des écailles de kératine. Il est, pour cette raison, l'animal le plus braconné au monde, surtout en Afrique, car celles-ci, présumées avoir des vertus thérapeutiques, aphrodisiaques notamment, se vendent de 450 à 500 euros le kilo. Cet animal est en outre facile à chasser : il se met en boule quand il a peur. Il suffit alors de le ramasser… La chauve-souris abrite plus de 30 coronavirus En Asie et tout particulièrement en Chine, au Laos et au Vietnam, sa viande très appréciée est hors de prix, réservée aux personnes fortunées : il faut compter entre 1 000 et 2 000 euros pour un pangolin vivant, condition obligatoire pour le vendre car les habitudes et les goûts culinaires de ces pays ne supportent que la chair d'animaux fraîchement tués. Traditionnellement et surtout lors des fêtes qui égrènent la vie sociale de l'Empire du Milieu, toute l'Asie du Sud-Est ainsi que l'Afrique, inondent les marchés chinois ouverts en pangolins. Ils sont exposés dans des cages ou des paniers d'osier, à proximité d'autres animaux sauvages, des serpents, des civettes et bien sûr des chauves-souris dont la viande, bien moins coûteuse, est un mets local prisé avec lequel on fait aussi des soupes. L'hygiène de ces marchés est inexistante : acheteurs et vendeurs manipulent à mains nues les animaux au milieu de leurs excréments, si bien qu'il suffit d'une seule bête infectée pour contaminer presque toutes les autres, ainsi que de nombreux humains. Les chauves-souris notamment abritent plus de trente coronavirus différents qu'elles tolèrent parfaitement et dont elles sont un réservoir permanent. L'ennui est que ces virus mutent facilement et peuvent, quand ils infectent d'autres espèces, se recombiner entre eux afin de s'adapter à leur hôte pour mieux proliférer. Le Covid-19 (nom donné par l'OMS), combinaison d'un Sars et d'un coronavirus – que les spécialistes ont à juste titre appelé Sars-CoV-2 –, est l'exemple parfait. Bien que sur le plan génétique (génome) sa similitude avec certains coronavirus de la chauve-souris soit assez élevée (96 %), aucun de ces derniers n'est équipé de la protéine virale leur permettant de se fixer sur les récepteurs des cellules humaines. Sa similitude globale est encore moindre (entre 90 et 92 %) avec le coronavirus du pangolin, sauf sur un point essentiel : la protéine virale permettant au Covid-19 de se fixer sur les cellules humaines pour les pénétrer et s'y reproduire est très semblable à 97,4 % à celle qu'utilise le coronavirus du pangolin dans le même but. Le Covid19 : la naissance Dit autrement : certains coronavirus du pangolin sont capables d'entrer dans les cellules humaines alors que ceux de la chauve-souris ne le sont pas. A la différence de l'épidémie du Sars qui a infecté notre espèce en 2002-2003 (une fois encore à partir de la chauve-souris) via la civette, dont le virus a directement contaminé l'homme, le Covid-19 quant à lui, est né de la recombinaison de deux virus différents, l'un proche de la chauve-souris, l'autre du pangolin. Pour mélanger leurs gènes, ils ont dû être présents ensemble dans un même organisme : s'est-il agi d'une chauve-souris ? D'un pangolin ? Ces derniers l'ont-ils transmis à certains de leurs semblables chez lesquels, avec un peu de chance, on identifiera un jour cette recombinaison ? A-t-elle eu lieu chez un humain qu'on n'identifiera probablement jamais ? Mystère ! Voilà plus d'un siècle que presque toutes les épidémies humaines sont des zoonoses, terme signifiant qu'elles sont issues de réservoirs animaux : la grippe aviaire, le virus du sida d'origine simiesque (à partir des 18 espèces de singes consommées en Afrique), le virus Ebola (l'Afrique encore) transmis par la chauve-souris via le singe, etc. Il y a encore peu de temps, 54 espèces d'animaux sauvages vivants (reptiles et mammifères) étaient vendues légalement en Chine pour être consommées par l'homme. Depuis le 24 février dernier, le gouvernement chinois a interdit ces deux pratiques. Malgré tout les marchés ouverts, habitudes culinaires et tradition séculaire obligent, persistent : dans les villages retirés de la Chine ainsi que dans certaines grandes villes, comme Guilin (province du Guangxi), qui compte près de 5 millions d'habitants ! Ces marchés persistent également en Indonésie, au Laos, au Vietnam. L'animal le plus vendu est la chauve-souris. En résumé : les marchés ouverts asiatiques, sans compter ceux d'Afrique, font peur ! Sauf à les interdire de manière radicale, ils seront encore et encore, le foyer initial de futures grandes pandémies.