Des chercheurs de l'Inserm ont découvert dans une récente étude un phénotype immunologique unique et inattendu chez les patients graves et critiques. Il s'agit de biomarqueurs repérables dans le sang avant même l'aggravation de l'état de santé de ces patients. Une large majorité des personnes infectées par le coronavirus développe une forme légère de Covid-19. Cependant, parmi les patients jusqu'ici dépistés, 15% nécessitent d'être hospitalisés et 5% devront être admis en réanimation pour une forme sévère : ces patients évoluent vers une forme grave ou critique et développent notamment une pneumonie sévère se transformant en syndrome de détresse respiratoire aiguë. Si ces formes surviennent parfois au début de la maladie, les études cliniques décrivent généralement une progression de celle-ci en deux étapes, qui commence par une forme légère à modérée, suivie d'une aggravation respiratoire 9 à 12 jours après l'apparition des premiers symptômes. Cette évolution soudaine suggère une dérégulation de la réponse inflammatoire de l'hôte. Comme l'explique l'Inserm sur ce sujet, un nombre croissant d'indications suggère que cette aggravation est provoquée par une forte augmentation des cytokines (on parle d'orage cytokinique). « Cet emballement de la réponse inflammatoire est corrélé à une infiltration massive dans les poumons de cellules immunitaires innées, à savoir des neutrophiles et des monocytes, créant des lésions pulmonaires et un syndrome de détresse respiratoire aigu. L'hypothèse initiale supposait une production excessive des interférons (IFN) de type 1, un marqueur de la réponse aux infections.», précise l'organisme. Il s'agit d'une question essentielle à confirmer pour ainsi améliorer la prise en charge individuelle et le pronostic de ces patients. Or, dans une publication parue dans la revue Science des chercheurs issus de plusieurs instituts français ont constaté que chez les patients gravement malades, la production et l'activité des IFN de type I sont fortement diminuées dans les formes les plus sévères de la Covid-19. « A cela s'ajoute une charge virale sanguine persistante, témoignant du mauvais contrôle de la réplication virale par le système immunitaire des patients et conduisant à l'emballement d'une réponse inflammatoire inefficace et pathologique. », précise l'équipe scientifique. Il a également été découvert que cette faible signature des interférons de type I diffère de la réponse induite par d'autres virus respiratoires tels que le virus respiratoire syncitial humain ou le virus de la grippe A, tous deux caractérisés par une forte production de l'IFN de type I. Enfin, l'étude révèle par ailleurs que de faibles taux d'IFN de type 1 dans le plasma (partie liquide du sang qui sert à transporter les cellules sanguines et les hormones à travers le corps) précèdent l'aggravation clinique des patients et leur transfert en soins intensifs. Les taux d'IFN de type 1 circulant caractériseraient même chaque stade de maladie : les taux les plus bas seraient observés chez les patients les plus graves. Ainsi, ces résultats suggèrent que dans l'infection à SARS-CoV-2 la production de l'IFN de type I est freinée chez l'hôte infecté, ce qui pourrait expliquer les formes sévères plus fréquentes chez des personnes dont l'organisme produit peu cette cytokine, comme les seniors ou celles avec des comorbidités. « La déficience en IFN de type I pourrait être une signature des formes graves de la Covid-19 et pourrait permettre d'identifier une population à haut risque. », estime l'équipe scientifique. Celle-ci estime qu'administrer une thérapie anti-inflammatoire ou des corticoïdes chez les patients les plus sévères pourrait être une piste thérapeutique pour enrayer les formes sévères de Covid-19. A noter qu'une autre étude menée par des chercheurs de l'Inserm a permis d'identifier deux autres biomarqueurs pour repérer les patients hospitalisés les plus à risque. Mais il s'agit de marqueurs de sévérité différents de ceux mis en avant dans cette nouvelle recherche. En effet, les marqueurs mis en évidence dans la précédente étude sont des témoins d'une souffrance vasculaire qui corrèle avec la sévérité de la maladie de Covid-19, car l'infection n'a pas uniquement une incidence respiratoire. Ceux identifiés dans la présente étude mettent plutôt en évidence une mauvaise réponse du système immunitaire « inné », avec une faible production des interférons de type I chez les patients les plus sévères. Ainsi, les quatre biomarqueurs récemment découverts seraient complémentaires. « Il est possible que cette mauvaise réponse immunitaire, associée à une réplication virale plus importante, permette un effet pathogène plus important du virus sur le tissu endothélial, libérant alors les marqueurs identifiés par la première équipe. », concluent les scientifiques.