Le mercredi 25 juillet 1984, monsieur Benaissa Hadj Abdelkader, homme de lettres et Député à l'assemblée populaire nationale, me remet la traduction intégrale en langue arabe d'un texte de moi, dans lequel j'étudie brièvement un aspect particulier du discours coranique. Le mercredi 1er Août, il se rend compte de mémoire qu'il a traduit défectueusement le terme » groupe « (sanguin) figurant à deux reprises dans mon texte. Cela suffit à ébranler sa conscience d'intellectuel qui ne tolère aucune anomalie. Cette conscience ne retrouvera pas le calme tant que l'erreur ne sera pas corrigée. De suite, M. Benaissa monte dans sa voiture (il réside à huit kilomètres de Mostaganem) et se dirige prestement sur le lieu de mon travail où il s'est accoutumé à me voir. Quand il arrive, il me trouve absent. Je faisais une course ordinaire dans les environs. Qu'à cela ne tienne! Il tire un papier de sa poche et glisse, sous la porte de mon bureau, ce mot : « Mon cher Abdelkader, pour le groupe sanguin, il faut changer far par fasila, Benaissa. » A mon retour, je découvre son message. J'en suis vraiment stupéfié. Dépenser une pelletée de dinars et se donner tant de peine pour l'unique consolation de corriger une faute insignifiante, voilà qui de nos jours sort franchement de l'ordinaire! D'ailleurs, il est devenu courant de lire des textes (correspondance privée, rapports, circulaires, articles de journaux, etc…) bourrés de fautes grammaticales ou autres qu'il ne viendrait plus à l'esprit de qui que ce soit de tempêter contre les auteurs de ces textes, pour ne pas se singulariser. Le geste étonnant de cet intellectuel de talent m'a montré à l'évidence que la culture de l'esprit, le goût du travail affiné et fignolé, la recherche perpétuelle de la perfection ne sont pas de vains mots pour une certaine classe d'individus, ardents défenseurs de la culture, demeurés fidèles à une noble tradition exigeant absolument un sacro-saint respect des normes dans tout écrit, spirituel ou profane. ATTRIBUTS DIVINS : Exceptionnalité, existentialité, immatérialité, immortalité, imparité, impossibilité, impeccabilité- impénétrabilité, impersonnalité, imperturbabilité, inabordabilité, inaccessibilité, inattaquabilité, incommensurabilité, incorporée, indéfinissabilité, ineffabilité, Inexcitabilité, Infaillibilité, Infinité, inimpressionnabilité, insécabilité, intemporalité, invincibilité, invulnérabilité, ipséite, singularité, unité, unicité, inaudibilité, invisibilité, incommunicabilité, impalpabilité, indestructibilité. ANALYSE DU MIRACLE CORANIQUE : Ce qu'il y a d'authentiquement miraculeux dans la révélation du Coran, ce sont les traits suivants : le fait clairement établi qu'elle a parcouru une distance phénoménale avant d'échouer dans les oreilles du Prophète, que l'ange messager a du reparcourir cet espace incommensurable pendant plus de 8.000 jours ( + de 23 ans) pour communiquer au Prophète les paroles de Dieu ; qu'elle soit passée sans acccident, sans altération, sans déformation, de l'univers divin à l'univers angélique et de l'univers angélique à l'univers humain : qu'elle ait fait l'objet d'un plan de la part du Créateur et que les mots y étaient placés de façon à ce que leur déplacement, dans un sens ou dans l'autre, fasse violence au texte entier ; que son ordonnancement constitue un défini permanent , à la logique humaine, parce qu'alliant une composition très libre à des régularités phonétique, des assonances d'une grande richesse ; que les thèmes abordés soient traités différemment dans chaque chapitre sans perdre ni valeur ni saveur ( par exemple, l'Histoire des prophètes. Le fond est immuable : un prophète est envoyé à un peuple pour lui prêcher la bonne nouvelle. Ce peuple traite le messager d'imposteur et le persécute. A l'appel de son envoyé, Dieu intervient et châtie sévèrement les incrédules. Quant à la forme du récit, elle est changeante. A chaque sourate, l'histoire revêt un nouvel habit littéraire. On devine tout le charme qu'exhale cette multitude de récits et le plaisir immense que goûte le lecteur de foi à répéter à l'infini les versets du Coran, sans souffrir de lassitude) ; que les hommes surmontant les conflits doctrinaux et les guerres confessionnelles, aient pu la conserver intacte, qu'ils l'aient amoureusement préservée de l'altération et de la corruption et qu'ils l'aient léguée dans toute sa pureté aux générations postérieures. CRITIQUE DES ŒUVRES SCIENTIFIQUES CONTEMPORAINES : Sauf exception, et toutes méritoires qu'elles soient, ces œuvres se signalent par : Une verbosité assommante, des noms propres reproduits en caractères minuscules, une opacité impénétrable, une pédanterie abusive, sa rareté de la clarté et de la netteté, le rabâchage de thèmes hyper- éculés, des inconséquences multiples, des répétitions, des redites, des redondances lassantes, uniformité de traitement de l'essentiel et de l'accessoire, inadéquation entre le titre et le contenu du livre, omissions innombrables, réductionnisme innommable, des énoncés écourtés, l'ordonnancement, le classement, la systématique négligée des références incomplètes, des mises à jour tardives ou nulles, une vision parcellaire non globalisante, un mercantilisme révoltant qui se manifeste au grand jour par l'interdiction faite au lecteur de reproduire tout ou partie de l'écrit, un atomisme effarant, une recherche entêtée de la complication et de l'innovation, un provincialisme intellectuel à connotation européocentriste, une adhésion inconditionnelle aux théories handicapées, fausses ou absurdes, l'infraction aux règles de la méthodologie, l'exploitation du mythe et de la légende à des fins scientifiques, détournement du sens du vocabulaire scientifique, culte de la chicane et de la polémique stérile. UN HOMME, UNE VIE : Il naît et se nomme bébé. Il grandit et devient enfant. Alors, il entre à l'école pour apprendre à lire, à écure, à connaître la vie et tous ses mécanismes. En suite, le voilà adolescent. Il commence à faire connaissance avec la dureté de la vie : déception alternant avec joie et privation avec abondance. Il grandit petit à petit et atteint la maturité. Il découvre l'amour et aspire à se marier. Quand il déniche l'élue de son cœur, il fonde un foyer et s'engage de plain-pied dans la vie active. Majorité oblige. Malgré lui, il devient comptable de ses propres comptes : de ce qu'il achète, de ce qu'il vend, de ce qu'il reçoit, de ce qu'il offre, bref de ce qu'il touche comme fonds ou autres et de ce qu'il donne. Et c'est l'apparition des soucis en tous genres. Il doit se loger, se mourir, se vêtir, se blanchir et faire face à tous les événements imprévus, heureux fussent-ils ou malheureux. Ainsi, les années passent. Les unes gaiement, les autres amèrement. Et d'un printemps à l'autre, notre homme prend de l'âge. Il perd ses réflexes d'antan, son énergie s'épuise par le labeur quotidien, ses facultés physiques et mentales s'affaiblissent, sa mémoire se rouille, son intelligence s'amenuise ; enfin, il devient ce qu'on appelle communément un vieillard. Le voilà arrivé au crépuscule de son existence ; il pense à ce qu'il a fait en bien ou en mal et dresse son bilan. Si celui-ci est positif, il esquisse un sourire de satisfaction et remercie le Bon Dieu de lui avoir épargné le sort des infidèles et des incrédules. Par contre s'il est négatif (emportant donc plus de mauvais actes que de bons) son cœur se resserre à l'image d'un étau, son visage pâlit, son esprit se révolte, ses membres tremblent. Il pense à l'au-delà, à ce qui l'attend dans l'autre monde, et en vertu du proverbe bien connu « vaut mieux tard que jamais », il se met à prier. C'est la seule chose qu'il ne sache pas peut-être, il supplie Dieu de lui pardonner ses péchés et pleure des larmes échaudes de regrets et de remords. Un beau matin, on s'aperçoit qu'il me vit plus. On l'enveloppe dans un linceul et on l'enterre. Tout en se rappelant qu'il est né dans le cri et qu'il est mort dans le silence. C'était un homme. LES MICRACLES DU SEPTIEME CIECLE : Des faits étranges se sont produits ces dernières années en terre d'Islam, des faits dans lesquels, je vois personnellement des signes évidents du courroux divin et même l'annonce d'une catastrophe à l'échelle cosmique. Dans des éditions multiples, la presse internationale a rapporté que des jeunes filles vivaient des situations anachroniques et aberrantes en voyant sortir de leurs corps et de façon répétée des objets divers d'origine végétale du minérale. Ce qui retient l'attention, c'est le fait que les victimes soient toutes des filles à bas âge et qu'elles ne semblent pas apparemment éprouver de douleur quelconque au cours de l'épreuve. Le dépouillement des informations relatives à cette cascade ininterrompue de prodiges nous autorise à dresser le tableau suivant : Age des vidimes : 10 15ans, sexe des victimes : féminin, pays d'origine des victimes : Algérie, Liban, nature des abjects expulses : végétaux minéraux, types d'objets expulsés : épine, épingle, clou, fil, verre, sensation : épreuve généralement indolore, Organes excréteurs : yeux, doigts. Commentaire : 1) L'âge des victimes oscille entre dix et quinze ans, c'est-à-dire des êtres immatures et jouissant de cette pure innocence propre à l'enfance. 2) Le sexe féminin est-il particulièrement ciblé par la main céleste ? Il le paraît bien rien qu'à voir que toutes les victimes, sans exception, sont des filles impubères. 3) L'Algérie et le Liban, pays natals des victimes, sont habités par des musulmans ce qui laisse croire que le monde musulman est directement visé par cette intervention divin dans le cours de l'histoire des hommes de notre temps. Il faut rappeler que ces deux pays, le premier situé à l'ouest du monde arabe et le second à l'est du même monde, ont connu des guerres serviles dévastatrices. 4) sur les quatre règnes de la nature, deux (l'humain et animal) appartiennent au monde du mouvement et de la vie et deux (le végétal et le minéral) au monde de l'immobilité et de l'inertie. Or, Dieu a choisi les deux dernières pour en extraire la matière qu'il mit dans le corps des victimes. 5) Le verre mis à part les objets expulsés sont tous effilés et étirés comme si la puissance divine voulut épargner à ces pauvre filles d'insupportables douleurs. Pour ce qui est de la forme nous ne constatons aucune différence notable entre l'épine, l'épingle et le clou ; le fil, certes s'en rapproche quelque peu. Mais le verre c'est toute autre chose par l'aspect et le tranchant surtout qu'il a la réputation de se briser facilement et de causer à celui qu'il griffe ou lacère un mal infernal. 6) Absence de sensation, de douleur, de malaise. Tout au plus, une simple gêne, celle d'avoir à affronter le regard indiscret et inquisiteur du curieux. 7) Les organes traversés par les débris se limitent à deux : les yeux et les doigts. Ils n'ont pas d'orifice comme la bouche et l'oreille ce qui donne à l'affaire une allure ultrathaumaturgique. Conclusion : cet enchaînement de prodiges sans précédant dans l'histoire humaine, doit être considéré comme le signe précurseur de la fin des temps. « LE DISCOURS DE LA METHODE» C'est une œuvre mineure, écrite en charabia. Raves sont les passages qui apportent quelques clartés philosophiques et métaphysiques. Sur cinquante trois pages de textes, j'ai sué pour dénicher cinquante trois lignes qui m'aient vraiment impressionné ; tout le reste est platitude. Descartes fut-il un gémie ? Je n'y crois pas. Il fut, au mieux, la tête la plus pensante dans un dix-septième siècle français ténébreux. Comparé à ses illustres devanciers GHAZALI et IBN KHALDOUN, c'est un savantillon. Si l'Europe, à l'unanimité, voit en lui une des plus hautes cimes de la pensée, c'est parce qu'il a comblé un vide le domaine des sciences enseignées en son temps, des sciences enseignées en son temps, des sciences insignifiantes, sous- développées, attardée. Dans un tel contexte, on devine que Descartes, en offrant un brin de nouveauté, ait pu être jugé esprit dominant. Mais le jour où l'égocentrisme occidental n'imposera plus ses schémas, ses critères et ses vues à la philosophie, le jour où les œuvres intellectuelles seront pesées sur des balances d'équité, ce jour là Descartes sera mis à sa vraie place dans le panthéon de la pensée universelle, c'est-à-dire à l'arrière banc.