La Cimade, une association française qui défend les droits des étrangers immigrés en France, a publié, jeudi 8 juillet, une enquête « Visa refusé », sur les conditions de délivrance des visas français dans le monde. L'objectif est notamment de dénoncer les inégalités de traitement des dossiers selon les pays. Les enquêteurs de La Cimade ont mené des « missions d'observations » dans six pays, dont l'Algérie. Le pays figure en effet « parmi les quatre pays où sont délivrés le plus grand nombre de visas, après la Russie, le Maroc et la Chine ».Dans son rapport, l'association dresse un bilan mitigé de la situation en Algérie. Les observateurs de La Cimade décrivent plutôt positivement le nouveau système d'externalisation du traitement des demandes de visas, par le biais de la société « VisasFrance ». Mais ils observent cependant plusieurs points négatifs. D'abord, le taux de refus en Algérie « est extrêmement élevé et très nettement supérieur à la moyenne : environ 35% des visas demandés sont refusés alors que le taux de refus moyen était de 9,6% pour l'ensemble des consulats de France à l'étranger », écrit La Cimade. Selon les explications qu'ont fourni le Consulat et l'Ambassade de France à Alger, ces refus s'expliquent par « le risque médical », c'est-à-dire, la crainte que des personnes âgées ne « veuillent venir en France uniquement pour se faire soigner et qu'elles grèvent ainsi sur le budget de la sécurité sociale française» et également « le risque migratoire », à savoir la possibilité que le demandeur du visa ne retourne pas en Algérie. Mais La Cimade critique surtout le fait que le refus de visa ne soit jamais motivé. «La non motivation de ces refus de visas provoque l'incompréhension des intéressés et, par voie de conséquence, du ressentiment envers la France », commente La Cimade. Et elle rapporte de nombreux témoignages d'Algériens. « On ne nous donne aucune information lors du dépôt. S'il manque des informations pourquoi ne pas le dire tout de suite ? On nous laisse déposer le dossier pour ensuite refuser le visa parce qu'il manque telle ou telle pièce », raconte par exemple l'un de ces témoins. « Le visa pour la France, c'est comme acheter un ticket de loto. C'est payant mais on ne gagne pas à tous les coups. Mais est-ce que la France a vraiment besoin des 6000 dinars d'un pauvre malheureux ? », dit un autre. La Cimade pointe également du doigt les problèmes que peuvent avoir certains commerçants algériens pour faire renouveler leur visa de circulation dans le cadre de leur activité professionnelle. « Le Consulat d'Annaba a expliqué qu'ils (les demandeurs, ndlr) ne pouvaient plus justifier de ressources suffisantes. Pour obtenir leur visa, ils devaient fournir un document de l'administration fiscale algérienne indiquant leur revenu déclaré, document délivré sur justificatifs. Par suite d'énormes retards dans la gestion des dossiers, cette administration a demandé une simple déclaration sans justificatifs. Les contribuables ont donc déclaré un revenu minimum pour diminuer l'impôt à payer, ce minimum étant insuffisant aux yeux des autorités consulaires françaises pour accorder le visa », explique l'association. La Cimade a également étudié le système de délivrance des visas d'étude. Elle constate que « les délais administratifs, tant du côté algérien que français, sont très souvent longs, et il arrive fréquemment que l'étudiant ne puisse rejoindre l'établissement français qu'après le début de l'année scolaire ». De plus, côté algérien, elle note que la commission qui examine le dossier de l'étudiant est composée d'universitaires algériens « qui connaissent mal les structures universitaires françaises et leurs évolutions récentes, cela provoque des avis négatifs injustifiés ».Enfin, concernant les refus de visas, La Cimade dénonce le fait que les possibilités de recours ne sont pas suffisamment communiquées aux demandeurs. « A aucun moment, il n'est avisé de la possibilité d'exercer un recours contentieux ». Une ignorance qui est aggravée par le fait qu'avec la procédure Visas France « le demandeur n'a aucun contact direct avec le consulat » et aussi par le fait que « les Algériens, y compris les avocats, maîtrisent peu – voire pas du tout – le système de recours ». « En général, ils connaissent la possibilité d'exercer un recours gracieux, mais n'ont pas toujours connaissance de l'existence de la Commission des recours de Nantes contre les refus de visa, et encore moins de la possibilité de saisir le Conseil d'Etat. L'information sur les possibilités de recours apparaît sur le site internet du consulat d'Alger, mais seulement en allant dans la « Foire aux Questions », constate ainsi La Cimade. Les refus seront motivés Au lendemain de l'enquête publiée par la Cimade sur les « pratiques consulaires en matière de délivrance des visas » menées dans six pays dont l'Algérie, le ministère français de l'immigration à réagi. Il a annoncé, vendredi 9 juillet, que tous les refus de visa de court séjour seront motivés. Cette mesure qui entrera en vigueur le 5 mars a été décidée en vertu d'une obligation introduite par le Code communautaire des visas (CCV), selon ce ministère. Actuellement, les refus de visa de court séjour ne sont jamais motivés par les consulats français. Adopté le 13 juillet par l'Union européenne, le CCV fixe également à 15 jours le délai maximal d'instruction des dossiers, « sauf pour les dossiers posant problème » alors que « les dossiers simples peuvent être traités dans la journée. Le CCV fixe aussi les frais d'instruction des dossiers : 60 euros pour un visa de court séjour auxquels peuvent s'ajouter 30 euros au maximum si la prestation est externalisée », selon le ministère français.