Depuis des mois, le service public le plus méthodique et le mieux ordonnancé se retrouve face à une situation telle que le nombre de mécontents va en crescendo non seulement parmi les usagers, mais aussi parmi les postiers à tous les niveaux. L'administration exemplaire veut maintenir sa bonne prestance, sa renommée et son prestige. Ce ne sont plus les chaines habituelles d'humains disciplinés, accoudés au comptoir ou adossés contre les murs que l'on aperçoit dans les bureaux de poste. La goutte a fait déborder le vase et depuis près de trois jours les usagers mécontents, affligés, contrariés et ulcérés par le manque d'argent liquide au niveau des agences postales, se retrouvent agglutinés malgré eux à l'extérieur des bureaux, ces lieux qu'ils respectent toujours. Ils ne savent plus à quel responsable se vouer. Ils savent pertinemment qu'Algérie Poste n'est qu'un maillon d'une chaîne, mais n'arrivent pas à situer la faille. Le « plus d'argent » et « la machine est en panne » ne fait point recette. Le ras-le-bol est général. Personne ne répond du pourquoi de la chose. Le manque d'argent liquide ne convainc plus. Et encore moins quand on l'impute aux dernières augmentations du personnel enseignant. Ce rééchelonnement des salaires n'est qu'une goutte dans un océan de la masse d'argent en circulation. Est-on conscient de la situation à Algérie poste ? Surement, mais l'on a toujours été à la hauteur de ses engagements. C'est plus par habitude d'organisme discipliné et méticuleux que par devoir. On nait presque postier. La sensibilité de la situation est telle que les préposés aux guichets sont presque pris à partie tout en sachant que le citoyen, qui sait séparer le grain de l'ivraie, voue un grand respect à ces gens. Mais les temps ont changé et le receveur qui auparavant était un notable du village au même titre que le maire, le médecin et le directeur d'école perd un peu de sa considération. Une considération que les situations de tension créées d'une manière artificielle et ceux-là vaillants essaient d'en découdre avec courage et abnégation avec tous ces citoyens « boules de nerfs ». L'agressivité est parfois de mise à la poste de la part des usagers. Même de la part d'octogénaires. A Fornaka, Mazagran, Hassi Mamèche ou à la plus grande agence de paiement de la ville de Mostaganem c'est le même désarroi. Le personnel vous accueille les yeux baissés à Mazagran. On n'y peut rien pour ceux qui les reconnaissent et saluent en les croisant dans la rue. On les interpelle par madame et mademoiselle. Et aussi Charef et Abdelkader, Menouar. Ici où la gentillesse est de mise, le sourire subsiste encore et l'on compatit avec les usagers. On ne hausse pas des épaules, on vit la mauvaise passe avec le citoyen. Le receveur et son personnel, que le problème dépasse, essaient tant qu'ils peuvent d'endosser le problème. Ce n'est point le leur, mais ils vous écoutent et argumentent à leur manière pour refroidir les plus coléreux et les moins patients. Ces postiers, considérés comme les meilleurs de la wilaya travaillent pour le long terme dans cet organisme qu'ils ont hérité de leurs aînés et qu'ils savent revenir à leurs cadets. Ils savent que pour le modeste citoyen, rien ne remplace la poste. Et pour la gouverne de ceux qui ne font pas de chaine aux guichets, il y est des algériens, pour ne pas dire algériennes en particulier, qui se rendent à la poste pour ne retirer que 200 dinars ! C'est reconnu qu'à Fornaka, vous pouvez égarer ou oublier argent et documents, et que vous les retrouverez chez le personnel dévoué de la poste. A Stidia, on vous demande même dans quelles coupures vous désirez être satisfait. Quand il y a du liquide, bien sûr. A Ouréah, l'on vous tient la porte ouverte. A Aïn Nouissy, c'est un bureau vide, vue la rapidité du service, avec un personnel accueillant, mais désolé et confus que l'on rencontre de ne pouvoir satisfaire vos paiements. Toujours avec sourire. Pendant près de dix jours, un receveur de poste de la wilaya de Mostaganem, s'est vu contraint de diriger à partir d'un lit d'hôpital, avec la complicité de ses agents bien sûr, son bureau et son personnel au grand dam de la direction de l'organisme hospitalier. Seul maître à bord, il tenait à la réputation de son agence où le congé de maladie n'avait droit de cité. Le citoyen, réduit au rôle d'une abeille butineuse dans un désert, fait le tour des bureaux de poste de la wilaya pour revenir bredouille en maugréant. Certains se voient sans eau courante ou dîner à la lueur d'une chandelle et d'autres se voient pénalisés pour des retards de recouvrement de crédits même auprès de banques accréditées chez Algérie Poste telles Cétélem et Baraka. Les retraits de pécule auprès des postes destinés à de tels versements, c'est-à-dire qui retournent aux caisses de la poste, n'ont-t-il pas de solution en usant de chèques de paiement ? Et les fameuses cartes magnétiques, sont-elles exploitées à bon escient ? La situation n'étant pas aussi alarmante, le blason d'Algérie Poste peut vite être redoré à moins de persister dans l'enclenchement de la marche arrière par les organismes pourvoyeurs. Pour certaines sociétés où le libre choix de mode de paiement est toléré, tels la Sonatrach, l'on se rabat sur la Banque Extérieure d'Algérie aux dépens d'Algérie Poste. Si la barre est lâchée, de "rien ne remplace la poste", l'on risque d'aller vers une rupture forcée en lieu et place de cet amour éternel entre petites gens et postiers.