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HISTOIRE : Comment le Maroc a été vendu ! (1ere partie )
Publié dans Réflexion le 07 - 11 - 2010

Le protectorat n'a pas commencé en 1912, mais dès 1830. Endettés, menacés, dépassés, les sultans ont préféré brader le royaume plutôt qu'abandonner le trône. Enquête sur les secrets financiers et les intrigues politiques qui ont conduit le pays à la plus grande humiliation de son histoire.
Il est a priori facile de dater l'histoire du protectorat : 1912 – 1956. Mais ce n'est qu'une apparence, une vitrine officielle. En réalité, l'histoire est plus longue et beaucoup plus complexe qu'on ne pourrait le croire. Quand, exactement, tout a-t-il commencé ? La réponse dépend des écoles. Politiquement, comme on peut le lire chez Abdellah Laroui, “l'Etat marocain a cessé d'exister à partir de 1880” (in L'Histoire du Maghreb), c'est-à-dire au moment où un rendez-vous important, la conférence de Madrid, a placé le royaume sous contrôle international. Militairement, le pays s'est effondré dès 1844, au lendemain de la bataille d'Isly. Economiquement, il a subi des récessions de plus en plus fortes tout au long du 19ème siècle.
Alors, quelle date retenir ? Consensuellement, la plupart des historiens s'accordent sur l'importance symbolique de l'année 1830. “C'est là, avec l'arrivée de la France en Algérie, que l'histoire marocaine a définitivement basculé”, résume le chercheur Mustapha Bouaziz. L'irruption brutale de l'Europe et de son cortège de valeurs agressives (ses armées, ses politiques, son système économique) a plongé le Maroc dans une sorte de purgatoire. C'est l'année où le compte à rebours devant aboutir à un protectorat en bonne et due forme est enclenché.
Quand le vent du nord a soufflé
Nous sommes donc en 1830, en plein cœur de ce siècle où la face du monde est en train de changer. Pendant que la révolution industrielle (chemins de fer, réseaux routiers, exploitation des sous-sols, développement maritime, matériel de guerre, etc.) et la croissance économique gagnent le monde occidental à toute vitesse, le Maroc vit en autarcie, fermé, jalousement replié sur lui-même. De l'intérieur, le pays bouillonne, soumis aux soubresauts d'une folle instabilité politique. L'anarchie régnante fait ressembler l'ancien empire à un homme au bord de la crise de nerfs. Les sultans se succèdent à un rythme frénétique. En un siècle, depuis la mort de Moulay Ismaïl, le pays a connu pas moins de 20 règnes. Certains sultans n'ont régné que quelques mois à peine, alors que d'autres ont pu, à la faveur de coups d'Etat et de renversements d'alliances, abdiquer avant de retrouver leur trône plusieurs années plus tard : à lui seul, le sultan Abdallah II a ainsi accumulé six règnes intercalés d'autant d'intermèdes.
Le pays est globalement coupé en deux : le bled Makhzen (plaines, ports, grandes villes) soumis à l'autorité du sultan, et le bled siba (montagnes) dissident. Les frontières entre les deux Maroc fluctuent selon la fréquence et la portée des harkas, les expéditions punitives menées par le sultan en personne.
L'organisation de la vie sociale repose sur des règles héritées du Moyen-Age. Agriculture, élevage et artisanat constituent l'essentiel de l'activité économique. Le volume du commerce interne est faible du fait de la difficulté du transport : les routes sont inexistantes et l'insécurité est telle que le pays ressemble à un ensemble d'enclaves. Les déplacements sont lents, coûteux et extrêmement dangereux. Les villes fonctionnent pratiquement sous un régime d'autonomie alimentaire et la campagne est contrôlée par les tribus locales. La vie sociale est par ailleurs rythmée par les cycles de famines et d'épidémies. L'enseignement est réduit à sa plus simple expression (le religieux) et reste confiné dans les médersas-mosquées. Et il n'existe d'autre médecine que la traditionnelle, à base d'herbes et de produits-miracles.
L'Etat, c'est le sultan
Et l'Etat dans tout cela ? Il existe, bien sûr, mais dans une configuration très éloignée des schémas alors en vogue de l'autre côté de la Méditerranée. Du hajib-chambellan au vizir de la mer (équivalent d'un ministre des Affaires étrangères), en passant par l'amine des oumana (ministre des Finances) et le wazir chikayate (ministre de la Justice), tous ont leurs bniqas-bureaux à l'intérieur du palais. Ce qui ne laisse guère de place au doute quant à la nature du système politique. L'Etat, c'est le sultan. C'est lui qui convoque ministres et conseillers à tour de rôle, rarement ensemble, c'est lui aussi qui nomme et contrôle ses représentants dans le pays profond, les caïds et pachas. Bien entendu, l'amalgame Etat-Sultan a une terrible conséquence : quand le roi mène bataille loin de son palais, c'est-à-dire la moitié de son temps, c'est pratiquement tout l'Etat qui est en berne et l'ensemble du pays est alors livré à lui-même.
On en vient à un autre point important, qui explique à lui seul l'extrême vulnérabilité du royaume chérifien : l'armée. En dehors de factions traditionnellement fidèles (les Boukhara, les Oudaïa, etc.), l'essentiel des troupes est fourni par ce qu'on peut appeler des “intermittents de la guerre” : des combattants occasionnels qui peuvent prendre part à une harka avant de rentrer, à la fin de l'expédition, dans leurs tribus respectives.
On comprend dès lors que cette armée, à l'état de forme aléatoire, à la motivation incertaine et aux effectifs si fluctuants, ait perdu pratiquement toutes les batailles dans lesquelles elle s'est engagée durant le 19ème siècle.
Les pauvres payent pour les riches
Examinons à présent le nerf de la guerre : l'argent. On verra là aussi comment l'organisation du “système financier” du royaume a été à l'origine de son asphyxie et l'a mené tout droit à la mise sous protectorat.
Avec un sous-sol riche mais largement inexploité (sel gemme, cuivre), les principales ressources se réduisent aux impôts et aux droits de douane aux ports. Entre le Makss, le Ma'ouna, la Naïba, la N'foula et la Jiziya, les droits et impôts sont si nombreux qu'ils constituent la première source de soulèvement populaire. En dehors de certaines corporations (les tanneurs à Fès), il n'existe aucun syndicat et aucun moyen de contrer l'arbitraire. La dissidence devient la règle. Un citoyen ou une tribu en colère, c'est un petit Maroc, un de plus, qui bascule dans le bled siba et constitue une nouvelle poche de résistance à l'autorité du “gouvernement” central.
Le phénomène est d'autant plus fréquent que les impôts ne sont ni généralisés ni équitablement répartis. Les Chorfa, tribus alliées et fidèles du sultan, en somme une partie de la bourgeoisie locale, en sont exonérées. Le schéma tient du cliché, ou presque : les pauvres payent pour les riches. Mais, comme nous le rappelle le chercheur Mustapha Bouaziz, “même les riches risquent à tout moment de perdre leurs biens s'ils en viennent à provoquer un coup de sang du sultan”.
La pratique de l'imposition fonctionne au mieux comme une caisse de compensation, au pire comme un gigantesque racket légal. Quand les villes, jadis florissantes grâce au commerce caravanier, sont asphyxiées par le déferlement des vagues européennes, le Makhzen se tourne vers la campagne, déjà pauvre, pour rançonner les tribus via de nouveaux impôts. On imagine aisément le climat social d'alors, avec des ports accrochés aux pieds de l'Europe et une campagne au bord de l'insurrection générale.
Un seul objectif : gagner du temps
Dans ce Maroc qui ressemble furieusement à une bombe à retardement, le commerce extérieur et les activités d'import-export restent une fenêtre intéressante. Probablement la seule. Mais elle est menacée par deux phénomènes récurrents : le monopole du sultan et la protection accordée aux intérêts européens. Le monopole sultanien (les négociants doivent s'affranchir d'un dahir d'agrément-délégation signé par le sultan et ne peuvent léguer aucun des biens accumulés) est un moyen de contrôler l'enrichissement des sujets marocains. “Le sultan accorde plus facilement ses agréments aux juifs au détriment des musulmans. A ses yeux, les juifs ne constituent aucune menace politique et peuvent par conséquent accumuler plus de richesses”, analyse Mustapha Bouaziz.
La protection accordée aux Européens, d'abord aux commerçants britanniques et français, ensuite à l'ensemble des pays occidentaux, crée une interminable série de désordres : l'exonération des taxes et impôts réduit considérablement les recettes de l'Etat, l'arrivée massive des produits européens tue l'embryon d'industrie locale et dévalue la monnaie nationale. Sans oublier que la protection étendue aux employés et aux relations marocaines de ces mêmes Européens est au final un sauf-conduit qui offre à des milliers de sujets la possibilité d'échapper financièrement, et même juridiquement, à l'autorité du sultan.
Les rois qui se sont succédé tout au long du 19ème siècle ont tenté, chacun à sa manière et avec des fortunes diverses, de circonscrire le mal. Menacés tant par la dissidence locale que par les incursions étrangères, obligés de se débrouiller avec un système économique en instance de mort, ils ont surtout cherché à jouer la montre. Le contexte international les y aidés. Parce que l'Europe a longtemps hésité entre deux attitudes possibles : la méthode anglaise faite d'une politique dite des comptoirs, privilégiant exclusivement les intérêts commerciaux, et la méthode française plus “volontariste” (occupation en douceur, à coups de fortifications militaires, de pénétration institutionnelle et de mainmise économique). Sans oublier la méthode espagnole, belliqueuse voire simplement brutale. (A suivre)


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