« La prison n'est pas faite pour le journaliste et le journaliste n'est pas fait pour aller en prison », a déclaré Farouk Ksentini, président de la Commission consultative nationale de promotion et de protection des droits de l'homme, invité jeudi de la chaîne III de la radio nationale. « S'il y a des dépassements ou que le journaliste porte atteinte à la déontologie par écrit ou par les déclarations, il suffit d'une simple amende », a-t-il expliqué. La Commission Ksentini a appelé également à « dépénaliser » l'acte de la harga dans le rapport qu'elle remettra au président de la République. « Ce phénomène est imputable à des raisons sociales. Aussi, devrions-nous y apporter une solution sociale et pas judiciaire. La répression ne sert à rien. Nous avons proposé la suppression de la peine d'emprisonnement et son remplacement par une amende symbolique. C'est largement suffisant », a-t-il noté.Pour contenir les violences contre les femmes, la commission Ksentini a proposé d'aggraver les peines pour les auteurs à l'origine de ces violences. Il a estimé que l'Algérie est pointée du doigt par la communauté internationale en raison de la persistance de ce genre de violence. Revenant sur le dossier de l'abrogation de la peine capitale, il a estimé que le débat est reporté. « Ce n'est qu'une étape. Il a fallu des luttes qui ont duré des décennies dans les pays qui nous ont précédés dans ce genre de débat. Et finalement, la peine de mort a été abolie. Je pense que c'est une question de bon sens. Et le bon sens finit toujours par prendre le dessus. Je respecte les points de vue opposés », a-t-il dit.A propos des ex-détenus des camps du Sud (1992), dont le nombre avoisine les 18.000, Farkouk Ksentini a estimé qu'une réparation de l'Etat est nécessaire. « Elle s'impose. Ces ex-détenus sont plus attentifs à la réparation morale qu'à la réparation pécuniaire. Une personne qui a été déportée vers le Sud a le droit de refuser d'être assimilée à un terroriste. C'est légitime. Nous avons écrit cela dans notre rapport adressé au chef de l'Etat », a-t-il noté. Farouk Ksentini a critiqué le projet de loi amendant le texte qui régit l'activité d'avocat. « Il ne sert à rien de fragiliser davantage l'avocat. A mon avis, il faut maintenir la loi actuelle », a-t-il plaidé. « Il faut mettre fin aux abus liés à la garde à vue » La Commission consultative nationale de promotion et de protection des droits de l'homme vient de proposer un amendement du code de procédure pénale pour revoir les conditions de la garde à vue. Farouk Ksentini, président de cette commission qui dépend de la présidence de la République, invité jeudi de la chaîne III de la radio nationale, a justifé la nécessité de cette proposition par des dépassements imputables à des agents de police. « Ces agents doivent comprendre que les violences, même psychologiques, sont interdites. Les conditions d'hygiène ne sont pas respectées durant la garde à vue. Les cellules sont inappropriées. Tout cela n'est pas compatible avec la dignité de la personne suspecte. Nous avons signalé ce fait de sorte à ce que des corrections soient apportées immédiatement parce que cela est insupportable », a-t-il dit insistant sur la mise en place de garde-fous pour mettre fin aux abus.« Je pense notamment à la présence d'un avocat ou d'un magistrat durant la garde à vue de manière à ce que les services de police se conduisent mieux avec les citoyens», a-t-il insisté. Dans son rapport 2009, la commission Ksentini a dénoncé également le recours abusif des juges d'instruction à la détention préventive. « Ce phénomène ne diminue pas. Cela devient intolérable. La détention préventive ne sert parfois à rien. Il faut absolument changer de comportement et faire en sorte que ne soient mises provisoirement en détention que les personnes dangereuses ou celles qui récidivent », a-t-il souligné. En matière correctionnelle, il a indiqué qu'il est préférable de laisser les personnes poursuivies en liberté provisoire avant de comparaître devant le tribunal. Il a rappelé que la loi algérienne considère la détention préventive comme une mesure exceptionnelle. « Et l'exceptionnel est devenu la règle. Ce n'est pas normal », a-t-il noté. Farouk Ksentini s'est félicité du fait que la justice ait reconnu ses erreurs dans la récente affaire Cnan - affaire du navire Béchar qui a coulé au port d'Alger - en relaxant les mis en cause après avoir condamné certains d'entre eux à quinze ans d'emprisonnement. « Il reste que des erreurs de jugement de ce genre sont dangereuses. Il faut éviter qu'elles soient reproduites », a-t-il dit. Il a annoncé qu'un projet de loi sera bientôt mis à l'étude pour permettre à une personne jugée devant une juridiction criminelle de demander un deuxième procès. Dans le rapport qui sera remis au chef de l'Etat avant la fin de l'année, la commission Ksentini a préparé des suggestions pour améliorer l'action judiciaire. « Il faut que la justice garde sa crédibilité. Il est important aussi d'avoir une justice de qualité en fournissant plus d'efforts dans la formation des juges et des avocats. La réforme en cours n'a pas encore porté ses fruits » a-t-il observé.