Hidaoui souligne l'importance de moderniser les établissements de jeunes pour davantage d'attractivité    Impératif d'accélérer les procédures nécessaires à la création d'une société spécialisée dans le transport aérien domestique    17ème colloque des Dourouss Mohammadia à Oran: Le soufisme en Algérie a eu un grand impact dans l'immunisation de la société    69e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies: l'Algérie encourage les femmes dans la recherche et l'innovation    Conseil de sécurité: le groupe A3+ appelle les parties au conflit au Soudan à instaurer un cessez-le-feu à l'occasion du Ramadhan    Rekhroukh reçoit des députés de l'APN des wilayas d'Adrar et Bordj Badji Mokhtar    Les responsables de la "Chemiserie Djen-Djen" appelés à proposer un modèle standardisé de tabliers d'écoliers    Oran: ouverture de la 17e édition des "Dourouss Mohammadia"    Le président de la République félicite Haddadi à l'occasion de son investiture et de sa prise de fonctions en tant que vice-présidente de la Commission de l'UA    Le président de la République félicite le président de la Commission de l'UA à l'occasion de sa prise de fonctions    Célébration à Alger de la Journée nationale des personnes aux besoins spécifiques    Association des Confédérations africaines des Sports Olympiques : "la réunion d'Alger marque un tournant pour le sport olympique africain"    Accidents de la route en zones urbaines : 751 morts et plus de 22.000 blessés en 2024    Renouvellement par moitié des membres du Conseil de la nation: la Cour constitutionnelle annonce les résultats définitifs ce jeudi    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 48.524 martyrs et 111.955 blessés    Coupe d'Algérie: le CRB bat l'USC (4-2) et rejoint le MO Bejaia en quarts    Le 6e Festival de la chanson andalouse de jeunesse s'ouvre à Alger    Vingt-cinq joueurs pour affronter l'Ouganda et l'Algérie    Une 20e journée bien chaude...    Mondial 2026 : l'arbitre algérien Gamouh dirigera Burundi-Seychelles    Encadrement des étudiants porteurs de projets d'entrepreunariat    Suspension de l'aide militaire pour l'Ukraine    Une union syndicale française appelle à un rassemblement contre la circulaire Retailleau    Renforcement des effectifs de police après la rupture du jeûne    Promotion de l'artisanat traditionnel et des métiers    Les vieux marchés, lieux de prédilection des ''nostalgiques'' pendant le Ramadhan    Les colons profanent la Mosquée Al-Aqsa    Lancement des stylos à insuline produits localement avant la fin du Ramadhan    Réunion des agriculteurs à Relizane Sensibiliser et informer sur la régularisation des terres agricoles    Des artisans tunisiens font perdurer la tradition    La cheffe d'orchestre Zahia Ziouani anime une rencontre à Sarcelles    Palais de la Culture Moufdi-Zakaria Présentation à Alger de la pièce de théâtre «Le Fil rouge»    Coupe d'Algérie: l'USMA écarte le RCK (1-0) et donne rendez-vous au CRT    La Défense nationale plébiscite l'Algérie au rang des nations victorieuses    Kessar Abdelkader du parti RND, élu sénateur    Le scrutin se déroule dans de bonnes conditions dans les wilayas du Centre        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



8 mai 45 : SOLILOQUE
Publié dans Sétif Info le 17 - 05 - 2005


Par Ammar KOROGHLI pour Setif Info
« Je traîne avec moi mes années de douleur. Frustrations et refoulements, entrelacs complexe. Enchevêtrement annonciateur d'orages impromptus. Ma vie est devenue une chronique faisant fi de la linéarité. Que de chagrins amoncelés. Gâchis considérable de mes ressources. Réduit à un état d'aliénation par la quotidienneté où l'amertume le dispute à la révolte. Faut-il continuer longtemps à assumer sa condition de sujet, sans rechigner ? Je n'aurais donc pas rendu de bons et loyaux services à ma patrie. Tant pis pour moi, pas de médaille. En ai-je besoin ? Peut-être même une épitaphe en guise de signe indiquant mon passage sur cette terre. Qu'à cela ne tienne.
« En ce monde où règne au grand jour la barbarie, sanguinaires sont les princes qui nous gouvernent. Princes en quête de légitimité d'un Dieu. Qui croule sous les requêtes répétées. Il est le seul roi et l'unique juge. Les textes sacrés le proclament noir sur blanc. Pour le blanc comme pour le noir.
« J'ai beau regretter ma venue en ce monde où pourris et corrupteurs font bon ménage. Rien n'y fait, j'y suis. Tu disais vrai Abou Ala (« Ce qu'a commis mon père envers moi, je ne l'ai commis envers personne »). La force de l'oubli peut-elle ménager la conscience déjà meurtrie ? L'indignation n'est plus de mise. Idées manichéennes réduisant à néant tout effort de création. Louable est notre résistance à l'oppression organisée par nos bourreaux. Nos plumes pourront-elles un jour nous servir de glaives pour les saigner à mort ? L'infini est grand. Comme le cynisme de nos princes. Donnée variable, sa géométrie cosmique se mesure (le cynisme j'entends).
« Lancinante douleur donc que la mienne. Compression de ma pensée qui nage dans la bière d'Abou Nouas. Géniale idée que celle-là. Hommage suprême au poète. Identité bafouée. Histoire emportant tout sur son passage. Point d'écluses, ni de digues. Maître incontesté de la rime. Poésie revêche au credo social. Arme au service de la tribu menacée de déperdition ?
« Au commencement était le verbe. Depuis, la tribu devint moderne. Elle fut élevée au rang de nation. Continuation pourtant de l'éloge des princes et des seigneurs. A défaut, la sentence est terrible : le silence ou l'exil. Marche forcée vers les ténèbres avec pour seule lumière le poème. Bougie aux vertus incommensurables. Mais aussi mèche prête à l'explosion.
« Octobre en plein jour. Adolescents aux aguets. Décimés à la fleur de l'âge de leurs printemps pour avoir eu la mémoire fertile. Plus fertile que celles de leurs aînés. Châtiés pour leur témérité. Procès expéditifs. Erreur millénaire d'un despotisme qu'on dit oriental. Nos princes sont malades. Assurément. Pour avoir voulu fêter Novembre avant le mois correspondant. Pour avoir voulu rappeler l'exigence de l'indépendance...Sept ans, ça suffit »... »Un seul héros, le peuple »... « Tahia el Jazaïr »... Que de connivences depuis. Manœuvres dilatoires tissées dans l'ombre. Incrédulité des badauds. Les balles pleuvaient sous le soleil. Crépitements sourds aux revendications.
« Je mourus ce jour là. Depuis, je meurs chaque jour un peu plus. Cupidité des blindés enragés. Mon sang ruisselle goutte à goutte. Patrie aux vertus insondables, n'as-tu pas été assez irriguée ? Mémoires courtes. Mes princes, avez-vous oublié le 8 mai 45 et le 1er novembre 54 ? Avez-vous à ce point muselé votre mémoire ? Quel mépris pour ses frères d'hier, tombés au cham d'honneur !
« Conscience inconsciente jusqu'à annihiler toute lucidité. Folie meurtrière. En ce temps-là aussi, les balles pleuvaient. Sous le soleil. Ironie du sort ? L'Histoire se répète avec des acteurs qui se trouvent de l'autre côté de la barrière. Le bourreau n'est plus le même. Il porte toujours pourtant l'uniforme. Le fusil a changé d'épaule... Nedjma, épouse répudiée par trois fois. Baptême de feu. Chaque génération a le sien. Conflit inextricable. Nos intérêts livrés aux appétits de nos Gargantua locaux.
« Indescriptible effroi. Cris. Larmes. Débandade. Corps jonchant le sol. Sang de chouhada de Novembre se mêlant à Octobre. Ruisseaux de sacrifice. République introuvable. Spectacle indescriptible. Renouvelé. Une autre bataille d'Alger. Morte la bête, mort le venin ?... La foule scandait des mots d'ordre pour l'indépendance. Ce jour-là, les rues étaient investies par le peuple. Manifestation pacifique. Banderoles livrées au vent. Ecriture un peu gauche. Revendications fermes. Les bras enlacés pour former une ceinture solide. Pas cadencés. Folie meurtrière. L'artère principale de Sétif était noire de monde. Hommes démunis d'illusions, mais armés de leurs convictions. Yeux emplis d'une curiosité sans fin aux fenêtres. Corps devenus ombres.
« Décompression urgente. La mystification à outrance ne joue plus. Le compte à rebours commence. La saison de l'attentisme est (dé)passée. Tempête soufflant sur toutes les idées reçues sans discernement. Images singulières d'une révolte juvénile. Les tribunes officielles ont balayées. Signe du caractère indicible des jeunes. « Tahia el Jazaïr ». 1962. C'était hier. C'est encore aujourd'hui.
« Plus de place aux textes ésotériques, ni aux dédales bureaucratiques. Labyrinthes aux lianes inextricables. Freins au foisonnement d'énergie. L'heure est aux comptes arrêtés jusqu'ici par la répression aveugle. Oppression inouïe d'un peuple ayant rompu son lien ombilical d'avec la métropole. Répression incompréhensible au sein de la patrie de plus d'un million de martyrs. Pourquoi ?...
« Place des chouhada. Une foule menaçante. Cris stridents. Dents aiguisés à l'endroit d'une bourgeoisie parvenue au sommet de l'indécence. Manipulation sanguinaire d'une jeunesse vouée au dépérissement ? Génération sacrifiée, nous disait-on. Soit, mais laquelle ? Celle des 19 mars l'est-elle ?...
« Austérité alibi. Main de l'étranger. Impérialisme. « Sept ans, ça suffit ». Le colonialisme hors de chez nous. Nous étions par vagues entières à l'âge de la scolarisation, parqués dans des camions. Déversés dans la rue pour grossir les rangs des manifestants. Joie indicible pour nous. Enfin la fraternité retrouvée... « Tahia el Jazaïr. Tahia el Jazaïr »... L'été de l'indépendance. Chaleur de l'enfance. Soleil de tous les espoirs. Fin de tous les interdits. Socialisme annonciateur de la huitième merveille du monde. Nous suffoquions dans l'habit étroit d'hier... L'espoir est toujours là.
« Aube sans cesse renouvelée. La casbah, témoin privilégié d'événements hors pair. De baba Arroudj à la bataille d'Alger. Et pourtant demeurée à l'état d'une misère galopante foudroyant ses habitants. Ce jour là, ils étaient nombreux. La rue, leur royaume. Le vote des pieds. Voix d'acier. Verbe trempé dans le phénol. Descendus de leur F² à dix personnes comme naguère les Chaouias des montagnes de l'Aurès. Leurs parents montèrent à l'assaut d'une capitale en proie à l'euphorie de la liberté. Fièvre miraculeuse qui guérit tous les maux. Mots vains, noyés dans le vin. Abou Nouas reconduit par les siècles au seuil de l'ivresse. De Sidi Brahim des rasades interminables. Les verres s'entrechoquent au coin de l'amertume nommée désillusion.
« Cette aube-là vire au rouge sang. Rue de la Lyre, musique des rafales. Rue de la liberté, le bâillon de la répression s'abat sur la ville. Assiduité de l'oppression. La matraque ne fait pas école buissonnière. Elle est toujours et plus que jamais au rendez-vous. Caves de villas aménagées à l'effet de torturer. Novembre marqua la naissance de l'ire de l'occupant. Novembre sans cesse renouvelé...
« Mais que pèsent mes mots devant les tragédies de pans entiers de la société voués à l'illettrisme ? Que faire contre le temps qui passe ? Impuissance indescriptible. Destruction explicite de l'instant. Bière sans cesse renouvelée. Analphabétisme incessant. Mutisme éloquent de vérités, procédant par touches d'un vécu voué aux gémonies ? Larmes qui coulent de l'inconscient apprivoisé...
« Mappemonde amie, dis-moi toi qui sais tout de la géographie, comment bâtir ma patrie sans cesse défigurée ? Plume amie, dis-moi toi qui as soif d'Histoire, du colonialisme au colonelialisme, n'y aurait-il pas un autre chemin vers la liberté et la paix ? L'espoir et la lutte jusqu'à la dernière pulsation, me dis-tu... » (février 1989)
Ammar KOROGHLI (Auteur Algérien - Avocat à Paris) pour Setif Info


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.