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Le cinéma, ce grand absent de la place publique
Publié dans Sétif Info le 08 - 03 - 2010

l y a une trentaine d'année à peine, le centre-ville de Sétif ne comptait pas moins de 4 salles de cinéma : Le Star, l'Afrique, l'ABC et le Colisée. Des salles qui étaient animées d'une vie cinématographique aidant à l'épanouissement du citoyen et contribuant, à leur échelle, au développement du cinéma dans notre pays. Bon nombre de nos réalisateurs : Ahmed Rachedi, Abderrahmane Bouguermouh, Mohamed Lakhdar-Hamina, ou encore Hadj Rahim, avaient ce privilège de pouvoir disposer de leurs œuvres auprès d'un public constamment a l'affut des nouveautés dans ce domaine. Une production nationale certes de faible envergure mais de qualité et de renom. Il n'est pas utile de rappeler les différents prix et consécration dont ont pu bénéficier nombre de nos réalisateurs. Cette production, jeune et dynamique, côtoyait une production internationale plus diversifiée et plus foisonnante, faisant l'essentiel de l'exploitation des salles permettant ainsi à leurs exploitants de pouvoir en vivre et permettant au public d'être au fait de l'actualité cinématographique. Les films projetés obéissaient tout naturellement à une politique de censure dont l'objectif affiché était la préservation des mœurs locales mais dont l'objectif réel était surtout de couper court à toute velléité d'expression politique. Bien que connaissant ce contexte, notre jeunesse ne désertaient pas ces endroits et les fréquentaient plus ou moins assidûment, selon les arrivages. Une réelle soupape de détente permettant à une jeunesse naissante de découvrir une certaine vision du monde.
Dès la fin des années 80, une lente agonie s'est emparée de ces hauts lieux du 7ème art. Des 4 salles citées plus haut, seules 3 étaient en exploitation. Le cinéma « L'Afrique » ayant brulé dans un incendie (fin des années 80), ne fut jamais reconstruit et son emplacement resta comme une balafre dans le centre ville avec, comme par prémonition, l'affiche du dernier film projeté : « Nimitz, retour vers l'enfer ». Peu à peu, les 3 autres salles ont commencé à ne plus diffuser de films. Une diminution due à la baisse de fréquentation dont les raisons reposent sur l'apparition de la parabole et le renouvellement particulièrement long, censure oblige, des œuvres projetés. Mais loin de décourager les exploitants, ces salles continuaient à fonctionner, tant bien que mal, avec l'espoir d'un assouplissement de la réglementation leur permettant de gérer au mieux leur exploitation.
Durant l'ébullition du sursaut démocratique du début des années 90, ces salles devinrent des scènes publiques pour conférenciers ou leaders politiques de tous bords. La fiction céda la place à la dure réalité d'une démocratie naissante et comme un pied de nez à la censure, qui jadis les muselaient, ces salles devinrent des arènes d'expression libre permettant à tout un chacun de contribuer au débat démocratique en faisant valoir ses opinons et ses idées. Mais l'arrivée du FIS à l'APC de Sétif, a vite fait ramener la vie de ces salles à la réalité amère de la censure puisque ces dernières allaient définitivement renoncer à leur activité intrinsèque annonçant ainsi la disparition pure et simple de cet art dont elles étaient les sanctuaires dédiés.
La mise en place de l'état de siège a définitivement scellé le sort culturel de ces salles qui furent fermées pour une durée indéterminée. Certaines salles demeurèrent closes d'autres amorcèrent une transformation radicale pour devenir des halls d'exposition ou, plus anecdotique, des « centres commerciaux ». Au jour d'aujourd'hui, hormis le Colisée, toutes les salles ont été transformées de manière irrémédiable faisant rejoindre cet art à son illustre ancêtre, le théâtre, au cimetière de notre culture. Naturellement, ce qui est visible à l'échelon local, est malheureusement constatable à l'échelle nationale et dénote ainsi de l'étendue de cette carence culturelle.
Le cinéma, comme moyen d'expression artistique ou politique, ne peut pas être réduit aux super productions Hollywoodiennes ou Bollywoodiennes. Cet art intègre également les films d'auteurs, les courts métrages, essais et les divertissements pour enfants. Il intègre également une dimension communicative très importante reposant sur une immersion des spectateurs dans le contexte de ce qu'ils regardent. De ce point de vue, le cinéma constitue un formidable outil de communication permettant de transcender les clivages sociaux voire politiques. Il constitue également un relais informationnel indirect, car scénarisé et romancé parfois ; mais néanmoins efficace à l'instar du film « Indigènes » qui a permit de changer les conditions d'indemnisation des anciens combattants de la dernière grande guerre issus des colonies. C'est le cas également aujourd'hui, pour des questions d'urgence climatique ou écologique. Nombre de personnalités se sont saisis de cette question pour en faire le fer de lance de leur nouveau combat, à savoir la préservation de notre planète. Si cette urgence est prégnante pour l'humanité dans son ensemble, d'autres questions non moins brûlantes, constituent des urgences locales à traiter au plus vite. C'est le cas, notamment, de la situation au proche orient ou plus proche de nous, notre situation nationale actuelle.
Dans un univers politiquement verrouillé, le média télévisuel entretien un déphasage continuel entre un quotidien très rude, et socialement en souffrance, et entre un discours qui se veut positif et positiviste. Le dernier film de Merzak Allouache, « Harragas », met en lumière la triste et amère réalité à laquelle est confrontée une grande partie de notre jeunesse. Ce film aux couleurs algériennes tant par le décor, car tourné à Mostaganem, que par les acteurs, ayant permit sa venue au monde, tous algériens, n'a, malheureusement pas été diffusé en Algérie faute d'une audition insuffisante voire une volonté politique s'y opposant.
On peut légitimement se poser la question de la renaissance de cet art dans notre paysage culturel. A quand un espace urbain intégrant le cinéma comme loisir infrastructure culturelle ? A quand une production algérienne audacieuse et courageuse, à l'instar de ses ainées ? A quand une volonté politique permettant de lever cette chape de plomb qui pèse sur notre production culturel ? Quelques questions auxquelles il faudra répondre si nous souhaitons la résurgence de cet art dans notre quotidien, nous permettant d'affirmer notre identité et notre culture afin qu'elles rayonnent à la face du monde et contribuent à nous faire.


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