Répondant à l'invitation qui lui a été adressée par l'Association des anciens élèves des lycées Mohamed Kerouani et Malika Gaïd, à l'occasion de la commémoration de « Youm El Ilm », Maître Jacques Vergès le célèbre avocat français du barreau parisien et militant de la cause nationale algérienne a présenté une communication très suivie au niveau de la grande salle de conférences Mouloud Kacem Naït Belkacem du pôle d'El Bez de l'université Ferhat Abbas de Sétif. Nous l'avons accosté pour un bref entretien... Vous voici de retour à Sétif pour la première fois depuis 1960, dit-on. Jacques Vergès : Exact. Je n'y suis pas retourné depuis. Les membres de l'association des anciens élèves de Kerouani-Gaid m'ont proposé de donner une conférence à l'université de Sétif sur le métier d'avocat et « la passion de défendre ». Une communication qui a été notamment centrée sur les différentes techniques du procès : le procès de rupture, notre découverte au plus fort de la Guerre d'Algérie. Ma m'a également permis de rencontré mon client à l'époque Monsieur Mabrouk Keddad, après tant d'années. Qu'est-ce qui vous a amené à la profession d'avocat ? J.V : Au départ, j´ai fait des études d´histoire mais enseigner ne me plaisait pas, alors j´ai choisi la profession d´avocat tardivement (à 30 ans) car elle me laisse indépendant. Et quand j´ai été employé d´office, j'avais comme premier client un jeune qui a fait un braquage, et dans le parloir, je me suis dit : "Ce type, il me ressemble. Il a fait un braquage, serais-je capable de faire la même chose ? « Avocat du diable », « Avocat de la terreur », Vous êtes l'avocat des causes extrêmes, …Qu'est-ce qui vous pousse à défendre ces hommes ? J. V : (rires) Une petite précision d'abord : je ne choisis pas mes clients. Un avocat doit défendre tous les cas qui lui sont proposés à une condition : c'est de ne pas le faire contre ses principes et ceux du métier. Hippocrate disait « ce n'est pas la maladie que je soigne, c'est le malade » dans mon cas « ce n'est pas le crime que je défends, c'est l'accusé… ». Vos interventions dans la presse, vous vous reprenez, presque à chaque fois. « Mes clients, enfin mes amis” est-ce vraiment le cas ? J.V : Mes clients d'Algérie, pas Barbie… (rire). Tous les clients que j'ai eus en Algérie étaient engagés dans des combats politiques, ils avaient besoin d´alerter l´opinion, pour se protéger. Ils ont tous échappé à une exécution grâce à l'opinion publique. Mais tous les jours j´ai d´autres affaires où je défends des prisonniers de tous les jours (d´un homme poursuivi pour fraude fiscale, homicide, ou une femme poursuivie pour proxénétisme hôtelier…), et ceux-là me sont très proches. A 85 ans, un mois et 11 jours…et vous continuez toujours à plaider, peut-on savoir le secret de cette bonne forme ? Eh bien ! En 1960 lorsque je suis venu pour la première fois à Sétif pour défendre mon client, Mabrouk Keddad, je me suis abreuvé de l'eau de Ain Fouara…la fontaine magique (rire). Entretien réalisé par : Khalil HEDNA