Les sp?cificit?s urbaines qui faisaient, il n? y pas si longtemps, la beaut? d?Oran et surtout de son centre-ville sont nombreuses. Une sorte de fatalit? de standardisation a gagn? progressivement tous les espaces et ne cesse d??tendre -sans restriction- sa monotonie envahissante. La convivialit? l?gendaire, l?esprit festif et parfois frisant m?me l?exub?rance, la vitalit?, l?originalit?, le plaisir, la joie de vivre se sont racornis et dess?ch?s, jour apr?s jour, pour c?der la place ? l?utilitaire essentiellement ax? sur le seul int?r?t mat?riel ?go?ste et imm?diat. Un individualisme qui ne devait pas avoir droit de cit? dans notre Cit?, qui n?a jamais ?t? un trait oranais, une mentalit? de la ville. Le r?sultat est ce stress ambiant permanent qui p?se lourdement sur les ?paules et dans la rue et que rien ne vient all?ger d?autant que nul espace n?est disponible pour s?en d?barrasser. Pourquoi s??tonner alors de la mont?e de la d?linquance qui n?est pas uniquement juv?nile, de la petite criminalit? et tout ce qui pourrait faire mal ? la ville, de tant de nuisances ? l?insalubrit? en passant par l?incivisme. Les causes qui ont ?t? (et sont toujours) ? l?origine de cette situation sont ?videmment multiples. La d?mographie, la ? trag?die nationale ?, le ch?mage, etc. ne sont pas des moindres. Mais, il y a aussi l?environnement avec sa tendance vers l?uniformisation et la standardisation scl?rosante, la monotonie de la vie. Et l?, les Oranais y sont pour quelque chose dans ce qui est arriv? ? leur ville. Et si l?on prend, juste ? titre d?exemple, les caf?s de la ville et leurs terrasses, non sans d?pit et un pincement au c?ur, on peut mesurer l??tendue du recul et l?avanc?e de la m?diocrit?. Jusqu?au d?but des ann?es 1980, rare ?tait le caf? qui s?ouvrait dans la ville, surtout son centre, et qui ne veillait pas ? ne pas ressembler aux autres qui existaient. Si les boissons servies ?taient les m?mes qu?ailleurs, le d?cor tenait ? ?tre original. On ?tait loin du plastique et du tubulaire pour les tables et les si?ges et la fa?ence et autre faux marbre pour les murs qui sont devenus une sorte d? ?uniforme? unique pour tous les ?tablissements. Quand l?ancien Es-Sourour (aujourd?hui ferm?) a ouvert au d?but des ann?es 1970, sur l?avenue Larbi Tebessi, c??tait dans des fauteuils, des vrais, avec rembourrage et accoudoirs, qu?il accueillait ses clients. Toutes les boissons possibles et imaginaires (non alcoolis?es), jusqu?au jus de tomate servi avec sel et poivre, ?taient disponibles. Et sa terrasse avec ses immenses baies vitr?es a ravi la vedette ? celle du Majestic (devenu le si?ge d?une banque), juste en face, qui, lui aussi, avait de confortables canap?s tout au long des murs ? l?int?rieur de l??tablissement et des chaises en rotin et coussin pour la terrasse. Et Ammi Salah ?tait un bijou de serveur (Coup lisses en a parl?). L?originalit? de style n?avait d??gal que le souci de la beaut? et la chaleur de l?accueil. Plus bas, dans la m?me avenue, ?Les Falaises? avec sa noble dominante de boiserie qui n?a pas encore beaucoup perdu si ce n?est l??limination des baies vitr?es de la terrasse et la douce sobri?t? des si?ge qui a laiss? la place ? la ?scintillance? de l?aluminium. ?Le Caf? Riche?, aujourd?hui derri?re ses vitres-miroirs opaques qui cachent tout, au point o? l?on ne sait s?il est ouvert ou ferm?, quoique cher, ?tait nickel et futuriste dans son style, avec en plus son aquarium si apaisant et une terrasse ? l?air libre qui a dam? le pion ? celle de ?l?Aiglon? ? un jet de pierre, petit mais incontournable caf? avant de prendre un taxi, juste en face. Bref, la liste serait trop longue. Aujourd?hui, tout le centre-ville ne compte que deux caf?s avec terrasse. C?est tout ce qu?on veut, mais ce n?est plus Oran ?a.