CLXXXXIVe nuit (Suite) Un jour, apr?s le conseil, le roi de Balsora se d?lassait l?esprit et s?entretenait avec ses deux vizirs et plusieurs autres membres du conseil. La conversation tomba sur les femmes esclaves que l?on ach?te et que l?on tient, parmi nous, ? peu pr?s au m?me rang que les femmes que l?on a en mariage l?gitime. Quelques-uns pr?tendaient qu?il suffisait qu?une esclave que l?on achetait f?t belle et bien faite, pour se consoler des femmes que l?on est oblig? de prendre par alliance ou par int?r?t de famille, qui n?ont pas toujours une grande beaut? ni les autres perfections du corps en partage. Les autres soutenaient, et Khacan ?tait de ce sentiment, que la beaut? et toutes les belles qualit?s du corps ne sont pas les seules choses que l?on doive rechercher dans une esclave, mais qu?il faut qu?elles soient accompagn?es de beaucoup d?esprit, de sagesse, de modestie, d?agr?ments, et, s?il se peut, de plusieurs belles connaissances. La raison qu?ils en apportaient est, disaient-ils, que rien ne convient mieux ? des personnes qui ont de grandes affaires ? administrer, qu?apr?s avoir pass? toute la journ?e dans une occupation si p?nible, de trouver, en se retirant en leur particulier, une compagne dont l?entretien soit ?galement utile, agr?able et divertissant. Car enfin, ajoutaient-ils, ce n?est pas diff?rer des b?tes que d?avoir une esclave pour la voir simplement et contenter une passion qui nous est commune avec elles. Le roi se rangea du parti des derniers, et il le fit conna?tre en ordonnant ? Khacan de lui acheter une esclave qui f?t parfaite en beaut?, qui e?t toutes les belles qualit?s qu?on venait de dire, et, sur toutes choses, qu?elle f?t tr?s savante. Saouy, jaloux de l?honneur que le roi faisait ? Khacan, et qui avait ?t? de l?avis contraire: ?Sire, reprit-il, il sera bien difficile de trouver une esclave aussi accomplie que Votre Majest? le demande. Si on la trouve, ce que j?ai de la peine ? croire, elle l?aura ? bon march? si elle ne lui co?te que dix mille pi?ces d?or. -Saouy, repartit le roi, vous trouvez apparemment que la somme est trop grosse: elle peut l??tre pour vous, mais elle ne l?est pas pour moi. ?En m?me temps, le roi ordonna ? son grand tr?sorier, qui ?tait pr?sent, d?envoyer les dix mille pi?ces d?or chez Khacan. D?s que Khacan fut de retour chez lui, il fit appeler tous les courtiers qui se m?laient de la vente des femmes et des filles esclaves, et les chargea, d?s qu?ils auraient trouv? une esclave telle qu?il la leur d?peignit, de venir lui en donner avis. Les courtiers, autant pour obliger le vizir Khacan que pour leur int?r?t particulier, lui promirent de mettre tous leurs soins ? en d?couvrir une selon qu?il la souhaitait. Il ne se passait gu?re de jour qu?on ne lui en amen?t quelqu?une, mais il y trouvait toujours quelques d?fauts.