CCVII?me nuit (Suite) Le roi de Perse re?ut ce pr?sent avec une joie qu?il est plus ais? d?imaginer que d?exprimer. Comme le visage du petit prince, son fils ?tait plein et ?clatant de beaut?, il ne crut pas pouvoir lui donner un nom plus convenable que celui de Beder. En actions de gr?ces au ciel, il assigna de grandes aum?nes aux pauvres; il fit sortir les prisonniers hors des prisons; il donna la libert? ? tous ses esclaves de l?un et de l?autre sexe; il fit distribuer de grosses sommes aux ministres et aux d?vots de sa religion. Il fit aussi de grandes largesses ? sa cour et au peuple, et l?on publia, par son ordre, des r?jouissances de plusieurs jours par toute la ville. Apr?s que la reine Gulnare fut relev?e de ses couches, un jour que le roi de Perse, la reine Gulnare, la reine sa m?re, le roi Saleh son fr?re et les princesses leurs parentes, s?entretenaient ensemble dans la chambre de la reine, la nourrice y entra avec le petit prince Beder, qu?elle portait entre ses bras. Le roi Saleh se leva aussit?t de sa place, courut au petit prince, et, apr?s l?avoir pris d?entre les bras de la nourrice dans les siens, il se mit ? le baiser et ? le caresser avec de grandes d?monstrations de tendresse. Il lit plusieurs tours par la chambre en jouant, en le tenant en l?air entre ses mains; et tout d?un coup, dans le transport de sa joie, il s??lan?a par une fen?tre qui ?tait ouverte et se plongea dans la mer avec le prince. Le roi de Perse, qui ne s?attendait pas ? ce spectacle, poussa des cris ?pouvantables, dans la croyance qu?il ne reverrait plus le prince son cher fils, ou, s?il avait ? le revoir, qu?il ne le reverrait que noy?. Peu s?en fallut qu?il ne rend?t l??me au milieu de son affliction, de sa douleur et de ses pleurs. ?Sire, lui dit la reine Gulnare, d?un visage et d?un ton propres ? le rassurer lui-m?me, que Votre Majest? ne craigne rien. Le petit prince est mon fils comme il est le v?tre, et je ne l?aime pas moins que vous ne l?aimez: vous voyez cependant que je n?en suis pas alarm?e; je ne le dois pas ?tre non plus. En effet, il ne court aucun risque, et vous verrez bient?t repara?tre le roi, son oncle, qui le rapportera sain et sauf. Quoiqu?il soit n? de votre sang, par l?endroit n?anmoins par lequel il m?appartient, il ne laisse pas d?avoir le m?me avantage que nous, de pouvoir vivre ?galement dans la mer et sur la terre. ?La reine sa m?re et les princesses ses parentes, lui confirm?rent la m?me chose; mais leurs discours ne firent pas un grand effet pour le gu?rir de sa frayeur: il ne lui fut pas possible d?en revenir tout le temps que le prince Beder ne parut plus ? ses yeux.