CLXXXXIIe nuit (Suite) Ce discours fut d?une grande consolation au prince Assad. Il rendit des actions de gr?ce ? Dieu de ce qu?il avait touch? le c?ur de Bostane, et, apr?s qu?il l?eut bien remerci?e des bons sentiments o? elle ?tait pour lui, il n?oublia rien pour l?y confirmer, non seulement en achevant de l?instruire de la religion musulmane, mais m?me en lui faisant le r?cit de son histoire et de toutes ses disgr?ces, malgr? le haut rang de sa naissance. Quand il fut enti?rement assur? de sa fermet? dans la bonne r?solution qu?elle avait prise, il lui demanda comment elle ferait pour emp?cher que sa s?ur Cavame n?en e?t connaissance et ne v?nt le maltraiter ? son tour. ?Que cela ne vous chagrine plus, reprit Bostane, je saurai bien faire en sorte qu?elle ne se m?le pas de vous voir.? En effet, Bostane sut toujours pr?venir Cavame toutes les fois qu?elle voulait descendre au cachot. Elle voyait cependant fort souvent le prince Assad, et, au lieu de ne lui porter que du pain et de l?eau, elle lui portait du vin et de bons mets, qu?elle faisait pr?parer par douze esclaves musulmanes qui la servaient. Elle mangeait m?me de temps en temps avec lui et faisait tout ce qui ?tait en son pouvoir pour le consoler. Quelques jours apr?s, Bostane ?tait ? la porte de la maison, lorsqu?elle entendit un crieur public qui publiait quelque chose. Comme elle n?entendait pas ce que c??tait, ? cause que le crieur ?tait trop ?loign?, et qu?il approchait pour passer devant la maison, elle rentra, et, en tenant la porte ? demi ouverte, elle vit qu?il marchait devant le grand vizir Amgiad, fr?re du prince Assad, accompagn? de plusieurs officiers et de quantit? de ses gens qui marchaient devant et apr?s lui. Le crieur n??tait plus qu?? quelques pas de la porte, lorsqu?il r?p?ta ce cri ? haute voix: ?L?excellent et illustre grand vizir, que voici en personne, cherche son cher fr?re, qui s?est s?par? d?avec lui il y a plus d?un an. Il est fait de telle et telle mani?re. Si quelqu?un le garde chez lui ou sait o? il est, Son Excellence commande qu?il ait ? le lui amener ou ? lui en donner avis, avec promesse, de le bien r?compenser. Si quelqu?un le cache, et qu?on le d?couvre, Son Excellence d?clare qu?elle le punira de mort, lui, sa femme, ses enfants et toute sa famille, et fera raser sa maison.? Bostane n?eut pas plus t?t entendu ces paroles qu?elle ferma la porte au plus vite et alla trouver Assad dans le cachot. ?Prince, lui dit-elle avec joie, vous ?tes ? la fin de vos malheurs; suivez-moi et venez promptement.? Assad, qu?elle avait ?t? de la cha?ne d?s le premier jour qu?il avait ?t? ramen? dans le cachot, la suivit jusque dans la rue, o? elle cria: ?Le voici! le voici!? Le grand vizir, qui n??tait pas encore ?loign?, se retourna. Assad le reconnut pour son fr?re, courut ? lui et l?embrassa. Amgiad, qui le reconnut aussi d?abord, l?embrassa de m?me tr?s ?troitement, le fit monter sur le cheval d?un de ses officiers, qui mit pied ? terre, et le mena au palais en triomphe, o? il le pr?senta au roi, qui le fit un de ses vizirs.