CCXV?me Nuit (Suite) Mais, quelle que soit la grandeur qui l?environne, permettez-moi de vous d?clarer, madame, que rien ne sera capable de me faire r?voquer le don que je vous ai fait de mon c?ur. Je sais bien que je n?oublierai jamais? que ce qui appartient au ma?tre est d?fendu ? l?esclave?. Mais je vous aimais avant que vous m?eussiez appris que votre foi ?tait engag?e au calife; il ne d?pend pas de moi de vaincre une passion qui, quoique encore naissante, a toute la force d?un amour fortifi? par une parfaite r?ciprocit?. Je vous souhaite que votre auguste et trop heureux amant vous venge de la malignit? de Zob?ide en vous rappelant aupr?s de lui, et, quand vous vous verrez rendue ? ses souhaits, que vous vous souveniez de l?infortun? Ganem, qui n?est pas moins votre conqu?te que le calife. Tout puissant qu?il est, ce prince, si vous n??tes sensible qu?? la tendresse, je me flatte qu?il ne m?effacera point de votre souvenir. Il ne peut vous aimer avec plus d?ardeur que je ne vous aime; et je ne cesserai de br?ler pour vous, en quelque lieu du monde que j?aille expirer apr?s vous avoir perdue.? Tourmente s?aper?ut que Ganem ?tait p?n?tr? de la plus vive douleur; elle en fut attendrie; mais, voyant l?embarras o? elle allait se jeter en continuant la conversation sur cette mati?re, qui pouvait insensiblement la conduire ? faire para?tre le penchant qu?elle se sentait pour lui: ?Je vois bien, lui dit-elle, que ce discours vous fait trop de peine; laissons-le et parlons de l?obligation infinie que je vous ai. Je ne puis assez vous exprimer ma joie, quand je songe que sans votre secours je serais priv?e de la lumi?re du jour.? Heureusement pour l?un et pour l?autre, on frappa ? la porte en ce moment. Ganem se leva pour aller voir ce que ce pouvait ?tre, et il se trouva que c??tait un des esclaves, pour lui annoncer l?arriv?e du traiteur. Ganem, qui, pour plus grande pr?caution, ne voulait pas que les esclaves entrassent dans la chambre o? ?tait Tourmente, alla prendre ce que le traiteur avait appr?t? et le servit lui-m?me ? sa belle h?tesse, qui, dans le fond de son ?me, ?tait ravie des soins qu?il avait pour elle. Apr?s le repas, Ganem desservit comme il avait servi; et, quand il eut remis toutes choses ? la porte de la chambre, entre les mains de ses esclaves: ?Madame, dit-il ? Tourmente, vous serez peut-?tre bien aise de reposer pr?sentement. Je vous laisse; et, quand vous aurez pris quelque repos, vous me verrez pr?t ? recevoir vos ordres. ?En achevant ces paroles, il sortit et alla acheter deux femmes esclaves; il acheta aussi deux paquets: l?un de linge fin, et l?autre de tout ce qui peut composer une toilette digne de la favorite du calife. Il mena chez lui les deux esclaves et, les pr?sentant ? Tourmente: ?Madame, lui dit-il, une personne comme vous a besoin de deux filles au moins pour la servir; trouvez bon que je vous donne celles-ci.? Tourmente admira l?attention de Ganem: ?Seigneur, lui dit-elle, je vois bien que vous n??tes pas homme ? faire les choses ? demi. Vous augmentez par vos mani?res l?obligation que je vous ai; mais j?esp?re que je ne mourrai pas ingrate et que le ciel me mettra bient?t en ?tat de reconna?tre toutes vos actions g?n?reuses.?