CLXXXXVIIIe nuit (Suite) D?s qu?ils eurent achev? et qu?? peu pr?s ils se furent tous rassembl?s ?Mes bons seigneurs, leur dit-il avec une gaiet? qui paraissait sur son visage et dans ses gestes, tout ce qui est rond n?est pas noisette, tout ce qui est long n?est pas figue; tout ce qui est rouge n?est pas chair, et tous les ?ufs ne sont pas frais. Je veux vous dire que vous avez bien vu et bien achet? des esclaves en votre vie; mais vous n?en avez jamais vu une seule qui puisse entrer en comparaison avec celle que je vous annonce. C?est la perle des esclaves: venez, suivez-moi, que je vous la fasse voir. Je veux que vous me disiez vous-m?me ? quel prix je dois la crier d?abord?. Les marchands suivirent Hagi Hassan; et Hagi Hassan leur ouvrit la porte de la chambre o? ?tait la belle Persane. Ils la virent avec surprise, et ils convinrent tout d?une voix qu?on ne pouvait la mettre d?abord ? un moindre prix que celui de quatre mille pi?ces d?or. Ils sortirent de la chambre; et Hagi Hassan, qui sortit avec eux apr?s avoir ferm? la porte, cria ? haute voix, sans s?en ?loigner: ?A quatre mille pi?ces d?or l?esclave persane!? Aucun des marchands n?avait encore parl?, et ils se consultaient eux-m?mes sur l?ench?re qu?ils y devaient mettre, lorsque le vizir Saouy parut. Comme il eut aper?u Noureddin dans la place: ?Apparemment, dit-il en lui-m?me, que Noureddin fait encore de l?argent de quelques meubles (car il savait qu?il en avait vendu), et qu?il est venu acheter une esclave. ?Il s?avance, et Hagi Hassan cria une seconde fois: ?A quatre mille pi?ces d?or l?esclave persane!? Ce haut prix fit juger ? Saouy que l?esclave devait ?tre d?une beaut? toute particuli?re, et aussit?t il eut une forte envie de la voir. Il poussa son cheval droit ? Hagi Hassan, qui ?tait environn? des marchands: ?Ouvre la porte, lui dit-il, et fais-moi voir l?esclave?. Ce n??tait pas la coutume de faire voir une esclave ? un particulier, d?s que les marchands l?avaient vue et qu?ils la marchandaient. Mais les marchands n?eurent pas la hardiesse de faire valoir leur droit contre l?autorit? du vizir, et Hagi Hassan ne put se dispenser d?ouvrir la porte et faire signe ? la belle Persane de s?approcher, afin que Saouy p?t la voir sans descendre de son cheval. Saouy fut dans une admiration inexprimable quand il vit une esclave d?une beaut? si extraordinaire. Il avait d?j? eu affaire avec le courtier, et son nom ne lui ?tait pas inconnu: ?Hagi Hassan, lui dit-il, n?est-ce pas ? quatre mille pi?ces d?or que tu la cries? -Oui, seigneur, r?pondit-il; les marchands que vous voyez sont convenus, il n?y a qu?un moment, que je la criasse ? ce prix-l?. J?attends qu?ils en offrent davantage ? l?ench?re et au dernier mot. -Je donnerai l?argent, reprit Saouy, si personne n?en offre davantage?. Il regarda aussit?t les marchands d?un ?il qui marquait assez qu?il ne pr?tendait pas qu?ils ench?rissent. Il ?tait si redoutable ? tout le monde, qu?ils se gard?rent bien d?ouvrir la bouche, m?me pour se plaindre sur ce qu?il entreprenait sur leur droit.