CCXIV?me Nuit (Suite) Il n?y fut pas plus t?t, qu?? la faveur de la lumi?re qui l?avait effray?, il distingua et vit entrer dans le cimeti?re o? il ?tait trois hommes, qu?il reconnut pour des esclaves, ? leur habillement. L?un marchait devant avec une lanterne, et les deux autres le suivaient, charg?s d?un coffre long de cinq ? six pieds qu?ils portaient sur leurs ?paules; ils le mirent ? terre; et alors un des trois esclaves dit ? ses camarades: ?Fr?res, si vous m?en croyez, nous laisserons l? ce coffre et nous reprendrons le chemin de la ville. -Non, non, r?pondit un autre, ce n?est pas ainsi qu?il faut ex?cuter les ordres que notre ma?tresse nous donne. Nous pourrions nous repentir de les avoir n?glig?s; enterrons ce coffre, puisqu?on nous l?a command?.? Les deux autres esclaves se rendirent ? ce sentiment: ils commenc?rent ? remuer la terre avec des instruments qu?ils avaient apport?s pour cela; et, quand ils eurent fait une profonde fosse, ils mirent le coffre dedans et le couvrirent de la terre qu?ils avaient ?t?e. Ils sortirent du cimeti?re apr?s cela et s?en retourn?rent chez eux. Ganem, qui, du haut du palmier, avait entendu les paroles que les esclaves avaient prononc?es, ne savait que penser de cette aventure. Il jugea qu?il fallait que ce coffre renferm?t quelque chose de pr?cieux, et que la personne ? qui il appartenait avait ses raisons pour le faire cacher dans ce cimeti?re. Il r?solut de s?en ?claircir sur-le-champ. Il descendit du palmier. Le d?part des esclaves lui avait ?t? sa frayeur. Il se mit ? travailler ? la fosse, et il y employa si bien les pieds et les mains, qu?en peu de temps il vit le coffre ? d?couvert; mais il le trouva ferm? d?un gros cadenas. Il fut tr?s mortifi? de ce nouvel obstacle qui l?emp?chait de satisfaire sa curiosit?. Cependant il ne perdit point courage; et le jour venant ? para?tre sur ces intervalles, lui fit d?couvrir dans le cimeti?re plusieurs gros cailloux. Il en choisit un avec quoi il n?eut pas beaucoup de peine ? forcer le cadenas. Alors, plein d?impatience, il ouvrit le coffre. Au lieu d?y trouver de l?argent, comme il se l??tait imagin?, Ganem fut dans une surprise que l?on ne peut exprimer, d?y voir une jeune dame d?une beaut? sans pareille. A son teint frais et vermeil, et plus encore ? une respiration douce et r?gl?e, il reconnut qu?elle ?tait pleine de vie mais il ne pouvait comprendre pourquoi, si elle n??tait qu?endormie, elle ne s??tait pas r?veill?e au bruit qu?il avait fait en for?ant le cadenas. Elle avait un habillement si magnifique, des bracelets et des pendants d?oreilles de diamants, avec un collier de perles fines si grosses, qu?il ne douta pas un moment que ce ne f?t une dame des premi?res de la cour. A la vue d?un si bel objet, non seulement la piti? et l?inclination naturelle ? secourir les personnes qui sont en danger, mais m?me quelque chose de plus fort, que Ganem alors ne pouvait pas bien d?m?ler, le port?rent ? donner ? cette jeune beaut? tous les secours qui d?pendaient de lui.