CCXIX?me Nuit (Suite) Pendant ce temps-l?, Tourmente ?tait dans la chambre de Force des c?urs et de sa m?re, o? se passa la m?me sc?ne ? peu pr?s; car, quand la m?re de Ganem apprit que cet ?tranger malade, que le syndic venait de faire apporter chez lui, ?tait Ganem lui-m?me, elle en eut tant de joie qu?elle s??vanouit aussi. Et lorsque, par les soins de Tourmente et de la femme du syndic, elle fut revenue de sa faiblesse, elle voulut se lever pour aller voir son fils; mais le syndic, qui arriva sur ces entrefaites, l?en emp?cha, en lui repr?sentant que Ganem ?tait si faible et si ext?nu? que l?on ne pouvait, sans int?resser sa vie, exciter en lui les mouvements que doit causer la vue inopin?e d?une m?re et d?une s?ur qu?on aime. Le syndic n?eut pas besoin de longs discours pour persuader la m?re de Ganem. D?s qu?on lui dit qu?elle ne pouvait entretenir son fils sans mettre en danger ses jours, elle ne fit plus d?instances pour l?aller trouver. Alors Tourmente, prenant la parole: ?B?nissons le ciel, dit-elle, de nous avoir tous rassembl?s dans un m?me lieu. Je vais retourner au palais informer le calife de toutes ces aventures; et demain matin je reviendrai vous joindre.? Apr?s avoir parl? de cette mani?re, elle embrassa la m?re et la fille et sortit. Elle arriva au palais; et d?s qu?elle y fut, elle fit demander une audience particuli?re au calife. Elle l?obtint dans le moment. On l?introduisit dans le cabinet de ce prince; il y ?tait seul. Elle se jeta d?abord ? ses pieds, la face contre terre, selon la coutume. Il lui dit de se relever; et, l?ayant fait asseoir, il lui demanda si elle avait appris des nouvelles de Ganem. ?Commandeur des croyants, lui dit-elle, j?ai si bien fait que je l?ai retrouv? avec sa m?re et sa s?ur.? Le calife fut curieux d?apprendre comment elle avait pu le rencontrer en si peu de temps. Elle satisfit sa curiosit? et lui dit tant de bien de la m?re de Ganem et de Force des c?urs, qu?il eut envie de les voir aussi bien que le jeune marchand. Si Haroun-al-Raschid ?tait violent, et si, dans ses emportements, il se portait quelquefois ? des actions cruelles, en r?compense, il ?tait ?quitable et le plus g?n?reux prince du monde, d?s que sa col?re ?tait pass?e et qu?on lui faisait conna?tre son injustice. Ainsi, ne pouvant douter qu?il n?e?t injustement pers?cut? Ganem et sa famille, et les ayant maltrait?s publiquement, il r?solut de leur faire une satisfaction publique. ?Je suis ravi, dit-il ? Tourmente, de l?heureux succ?s de tes recherches; j?en ai une extr?me joie, moins pour l?amour de toi qu?? cause de moi-m?me. Je tiendrai la promesse que j?ai faite: tu ?pouseras Ganem et je d?clare, d?s ? pr?sent, que tu n?es plus mon esclave; tu es libre. Va retrouver ce jeune marchand; et d?s que sa sant? sera r?tablie, tu me l?am?neras avec sa m?re et sa s?ur.? Le lendemain, de grand matin, Tourmente ne manqua pas de se rendre chez le syndic des joailliers, impatiente de savoir l??tat de la sant? de Ganem et d?apprendre ? la m?re et ? la fille les bonnes nouvelles qu?elle avait ? leur annoncer. La premi?re personne qu?elle rencontra fut le syndic, qui lui dit que Ganem avait fort bien pass? la nuit; que, son mal ne provenant que de m?lancolie et la cause en ?tant ?t?e, il serait bient?t gu?ri.