CCXVII?me Nuit Le calife ne voulut pas que Zob?ide pr?t cette peine, et se contenta de s?y faire mener par Mesrour. Il y alla dans l??tat o? il ?tait, c?est-?-dire en habit de campagne. Quand il vit la repr?sentation couverte d?un drap noir, les cierges allum?s tout autour et la magnificence du mausol?e, il s??tonna que Zob?ide e?t fait les obs?ques de sa rivale avec tant de pompe; et, comme il ?tait naturellement soup?onneux, il se d?fia de la g?n?rosit? de sa femme et pensa que sa ma?tresse pouvait n??tre pas morte; que Zob?ide, profitant de sa longue absence, l?avait peut-?tre chass?e du palais, avec ordre ? ceux qu?elle avait charg?s de sa conduite de la mener si loin que l?on n?entend?t jamais parler d?elle. Il n?eut pas d?autre soup?on; car il ne croyait pas Zob?ide assez m?chante pour avoir attent? ? la vie de sa favorite. Pour s??claircir par lui-m?me de la v?rit?, ce prince commanda qu?on ?t?t la repr?sentation et fit ouvrir la fosse et la bi?re en sa pr?sence; mais, d?s qu?il eut vu le linge qui enveloppait la pi?ce de bois, il n?osa passer outre. Ce religieux calife craignit d?offenser la religion en permettant que l?on touch?t au corps de la d?funte; et cette scrupuleuse crainte l?emporta sur l?amour et sur la curiosit?. Il ne douta plus de la mort de Tourmente. Il fit refermer la bi?re, remplir la fosse et remettre la repr?sentation en l??tat o? elle ?tait auparavant. Le calife, se croyant oblig? de rendre quelques soins au tombeau de sa favorite, envoya chercher les ministres de la religion, ceux du palais et les lecteurs de l?Alcoran; et, tandis que l?on ?tait occup? ? les rassembler, il demeura dans le mausol?e, o? il arrosa de ses larmes la terre qui couvrait le fant?me de son amante. Quand tous les ministres qu?il avait appel?s furent arriv?s, il se mit ? la t?te de la repr?sentation, et eux se rang?rent ? l?entour et r?cit?rent de longues pri?res, apr?s quoi les lecteurs de l?Alcoran lurent plusieurs chapitres. La m?me c?r?monie se fit tous les jours, pendant l?espace d?un mois, le matin et l?apr?s-d?ner, et toujours en pr?sence du calife, du grand vizir Giafar, et des principaux officiers de la cour, qui tous ?taient en deuil aussi bien que le calife, qui, durant tout ce temps-l?, ne cessa d?honorer de ses larmes la m?moire de Tourmente et ne voulut entendre parler d?aucune affaire. Le dernier jour du mois, les pri?res et la lecture de l?Alcoran dur?rent depuis le matin jusqu?? la pointe du jour suivant, et enfin, lorsque tout fut achev?, chacun se retira chez soi Haroun-al-Raschid, fatigu? d?une si longue veille, alla se reposer dans son appartement et s?endormit sur un sofa entre deux dames de son palais, dont l?une, assise au chevet, et l?autre, au pied de son lit, s?occupaient durant son sommeil ? des ouvrages de broderie et demeuraient dans un grand silence.