Ainsi les invitait-il ? ne rien nier ou m?priser de leur humanit? mais il leur enseignait qu?il s?agissait, au fond, d?apprendre ? se contr?ler. La spiritualit? c?est ? la fois accepter ses instincts et les ma?triser : vivre ses d?sirs naturels ? la lumi?re de ses principes est une pri?re. Jamais une faute, encore moins de l?hypocrisie. Le Proph?te d?testait entretenir chez ses compagnons un inutile sentiment de culpabilit?. Il leur r?p?tait de ne jamais cesser de dialoguer avec l?Unique qui est l?Infiniment Bon, le Mis?ricordieux qui accueille chacun dans Sa gr?ce et Sa bont? et aime la sinc?rit? des c?urs qui regrettent et reviennent ? lui. C?est le sens profond de ?at-tawba? offerte ? chaque conscience : le ?retour sinc?re ? Dieu?, apr?s un oubli, un ?cart, une faute. Dieu aime ce retour sinc?re aupr?s de Lui et Il pardonne et purifie. Le Proph?te en donnait l?exemple lui-m?me en de nombreuses circonstances. Un B?douin vint un jour uriner dans la mosqu?e et les compagnons se pr?cipit?rent sur lui et voulurent le battre. Le Proph?te intervint et leur dit : ?Laissez-le en paix et versez simplement un seau d?eau sur son urine. Dieu ne vous a suscit?s que pour faciliter les obligations et non point pour les rendre difficiles?. A?cha rapporte par ailleurs qu?un homme vint un jour trouver le Proph?te et lui dit : ?Je suis perdu!? Le Proph?te lui demanda ?Pourquoi donc?? Celui-ci lui confia : ?J?ai eu commerce avec ma femme pendant les heures de je?ne du mois du Ramadan !? Mohamed lui r?pondit: ?Fais donc l?aum?ne!? ? quoi l?homme r?pondit : ?Je ne poss?de rien!? Puis il s?assit non loin du Proph?te. Un homme vint alors apporter au Proph?te un plat de nourriture. Le Proph?te appela : ?O? est donc l?homme perdu? - Ici, r?pondit-il?. Mohamed lui dit : ?Prends cette nourriture et va la donner en aum?ne ! - A plus pauvre que moi ? Mais ma famille n?a rien ? manger ?! - Alors mangez-la vous-m?mes?. R?pondit le Proph?te en souriant. Cette douceur et cette bont? ?taient l?essence m?me de son enseignement et il r?p?tait: ?Dieu est doux (Raf?q) et Il aime la douceur (ar-rifq) en toute chose ? en ajoutant: ?Il donne pour la douceur ce qu?Il ne donne pas pour la violence ou toute autre chose? Il confia ? l?un de ses compagnons: ?Il y a en toi deux qualit?s que Dieu aime: la cl?mence (al-hilm) et la longanimit? [la grandeur d??me, la tol?rance] (al-an?)? et il invitait tous les compagnons ? ce constant effort de la douceur et du pardon: ?S?il te parvient de ton fr?re une chose que tu d?sapprouves, cherche-lui une ? soixante-dix excuses. Si tu ne trouves pas, dis [persuade-toi] que c?est une excuse que tu ne connais pas?. Autour de la mosqu?e, ? proximit? de la demeure du Proph?te, s??taient install?s certains nouveaux convertis ? l?islam qui n?avaient pas de toit et ?taient souvent priv?s de nourriture. D?munis (parfois volontairement car certains d?siraient vivre l?asc?se loin des biens du monde), leur subsistance d?pendait des aum?nes et des dons des musulmans : leur nombre ne cessait d?augmenter et ils furent bient?t appel?s ?ahl as-suffa? (les gens du banc). Le Proph?te ?tait tr?s concern? par leur situation et manifestait une solidarit? permanente ? leur ?gard. Il les ?coutait, r?pondait ? leurs questions et ?tait attentif aux besoins de chacun. C??tait une des particularit?s de sa personnalit? et de ses enseignements avec ahl as-suffa comme avec l?ensemble de sa communaut?: ? la m?me question sur la spiritualit?, la foi, l??ducation ou le doute, il apportait des r?ponses diff?rentes et adapt?es qui tenaient compte de la psychologie, du v?cu et de l?intelligence de celle ou de celui qui l?apostrophait. Ceux-ci se sentaient vus, respect?s, compris, aim?s et, en effet, il les aimait, le leur disait et leur conseillait, en sus, de ne jamais oublier de se confier mutuellement leur amour : ?Quand quelqu?un aime son fr?re [sa s?ur] qu?il lui fasse part de son amour pour lui [elle]. Au jeune Mou?dh Iibn Jabal, qu?il saisit un jour par la main, il murmura : ?O Mou?dh, par Dieu, je t?aime. Et je te conseille, ? Mou?dh, de ne pas oublier de dire, ? la suite de chaque pri?re rituelle: ?O Dieu, aide-moi ? me souvenir de Toi, ? Te remercier et ? parfaire mon adoration ? Ton ?gard??. Le jeune homme s?est ainsi vu offrir en un seul ?lan et l?amour et l?enseignement spirituel et ce dernier ?tait d?autant plus profond?ment assimil? qu?il ?tait envelopp? de cet amour. Dr Tariq Ramadan / Suite et fin