La station balnéaire de Marsat Ben M'hidi, anciennement Port-Say, située à 120km du chef-lieu de la wilaya de Tlemcen, renoue avec l'engouement que lui témoignent les estivants issus non seulement des classes moyennes, mais surtout des milieux d'affaires en quête de relations. Cette station qui attire annuellement plus de 3 millions d'estivants, issus également de l'émigration, dispose de trois parcelles aréneuses, mais la plus courue reste celle qui est adossée au boulevard du front de mer, le long duquel aiment déambuler les vacanciers pour profiter de la fraîcheur marine de la nuit. Plus à l'est, se trouvent confinées les petites plages de la Moscarda I et II, tombées en désuétude faute d'aménagements dignes de ce nom. Et dire que par le passé, ces deux plages constituaient l'essentiel de ce qui fut un coin paradisiaque, à l'ombre des arbres centenaires, avant que la pollution ne s'en mêle. Pourtant, ces trois rivages ont chacun sa propre spécificité. Dans les années 70-80, l'ex-Port Say était presque exclusivement fréquenté par les vacanciers de la région tlemcénienne. Mais, avec la décennie tragique qu'ont connue les années 90, cette station a gagné ses galons grâce à la sécurité qui y régnait, d'autant plus que son environnement n'a connu aucun regain de terrorisme. Il n'y a qu'à voir l'imposant service d'ordre, affecté à cette zone touristique et le renforcement de la sécurité routière pour comprendre qui vient y séjourner et pour cause. Promue au rang de daïra, Marsat Ben M'hidi est devenue la villégiature privilégiée par les hauts cadres de l'Etat, des parlementaires et des gros commerçants, parmi lesquels se sont infiltrés, comme il fallait s'y attendre, certains «barons» de la contrebande voire des «flibustiers» en tous genres, en quête d'affaires juteuses ou de nominations à un poste de rapport. C'est ainsi qu'un ersatz du «Club des Pins» a fini par voir le jour au niveau de cette station, ne laissant finalement pas grand-chose aux estivants de passage, pas même les chambres louées à des prix exorbitants par les particuliers. Selon des citoyens de la ville, Marsat Ben M'hidi s'est transformée, ces dernières années, en lieu de regroupement interlope, où se nouent et se dénouent des relations d'affaires pas toujours légales. «Dans un passé récent, les discussions tournaient dans les cafés autour de la pêche ou de la contrebande. Aujourd'hui, on entend d'autres sons de cloche: untel a été nommé à un poste supérieur, à partir de Marsat Ben M'hidi. L'autre n'y est venu en vacances que pour décrocher tel ou tel marché. Celui-ci fréquente la station chaque année, dans le but de se hisser à tel poste politique, etc.», remarquent nos interlocuteurs, natifs de la région et qui n'omettent pas de souligner, que certaines informations, taxées de simples spéculations au départ, se sont confirmées, en nous citant quelques exemples d'actualité. Ce qui est sûr, c'est que les vacanciers des années 70-80 qui se plaisaient dans cette plage, l'ont désertée il y a belle lurette, dès qu'ils ont vu la tournure «jet set», que les milieux d'affaires voulaient lui faire prendre, à l'instar de sa sœur jumelle de Saïdia, livrée de son côté à des pseudo promoteurs qui ont complètement défiguré son environnement et chassé les couches sociales, qui avaient fait sa réputation d'antan. Quelques jeunes pris en auto-stop à la sortie de la ville, pour rejoindre Sidi Boudjenane, font le constat: «Aujourd'hui, les vacances à Marsat Ben M'hidi n'ont plus la même saveur comme par le passé, quand tout le monde, toutes classes confondues, y trouvait son compte. Il y a ceux qui se la coulent douce, avec toutes les commodités et dont les enfants chevauchent des jets skis en toute impunité dans les espaces réservés à la baignade, voire des planches à voiles, quand ils ne se pavanent pas à bord de bateaux de plaisance ou de voitures de luxe… Et ceux de la classe moyenne, qui viennent en familles investir des camps de toile ou se regroupent pour louer une ou deux pièces chez l'habitant et dont les enfants se contentent de jouets chinois en plastique au bord de la mer. Telle est l'autre image de l'Algérie à deux vitesses…», déplore tristement l'un d'eux. Pourrons-nous le consoler en lui affirmant qu'une fois les lampions de la saison estivale éteints, ce qui passe pour «l'Eden» de l'extrême Ouest du pays, redeviendra un enfer pour ses autochtones, en se retrouvant face à la mal vie, au chômage et à d'autres fléaux sociaux? La contrebande suffira-t-elle à y remplir le vide du quotidien?...