Pas moins de 36 familles totalisant 182 membres ont été expulsées, hier matin, du domaine Bahi Amar (ex-Michel), à Es Senia. L'opération a eu lieu sous l'étroite surveillance d'un impressionnant cordon sécuritaire de gendarmes et en présence d'un huissier de justice. «Il y a, parmi nous, certains qui habitent ici depuis 40 ans, et nous voilà, maintenant, avec femmes et enfants, jetés comme des rats à la rue», fera remarquer Guermoud Mohamed, père de six enfants, concerné par l'expulsion. La même situation est partagée par quatre veuves et une retraitée d'un âge avoisinant les 96 ans, qui, se maintenant d'une main tremblante sur sa canne, dira : «J'ai toujours vécu dans cette exploitation agricole… Je vais m'en remettre à Dieu, et errer, à mon âge, dans les rues». Des témoignages poignants sont formulés en ces moments où, malgré tout, une sérénité comme marquée par la fatalité inonde l'atmosphère. Une procédure judiciaire avait été lancée par l'actuel propriétaire des lieux qui a obtenu gain de cause. Le domaine Bahi Amar, situé sur la localité d'Es-Sénia, est une exploitation agricole de 29 hectares sur laquelle se trouvent des habitations regroupant ces 36 familles touchées par la décision d'évacuation des lieux. Une opération suivie par un huissier de justice et les forces de l'ordre qui ont veillé à son application. Au moment ou les occupants des lieux sortaient leurs affaires et biens personnelles pour les installer sur les camions dépêchés pour la circonstance pour les diriger, pour certains, vers la fourrière municipale, un cri se fera entendre : «Hier, les lieux étaient infestés de terroristes, on nous avait même armés pour assurer l'autodéfense. Aujourd'hui que la situation est dégagée et paisible, et alors qu'on nous a désarmés, on se retrouve expulsés comme des malfrats», dira un des cinq membres du Groupe de légitime défense (GLD) qui habitent le domaine. En fin de matinée, l'opération d'expulsion suivait son cours dans un silence profond. La justice venait de trancher, et les nombreux chefs de familles présents dans le domaine regrettaient tout de même l'absence des responsables élus d'Es-Sénia.