Du 5 au 20 juillet, s'est tenu à Alger, le 2e festival culturel panafricain, Alger 2009, sous le signe de «la renaissance africaine». De partout de ce vaste continent, sont venus des femmes et des hommes, divers, différents, pluriels. Ils se sont retrouvés à Alger, ville dédale, ville labyrinthe, ville d'une rare beauté qui surprend à chaque tournant, ville sertie de trésors inestimables qu'il faut chercher, ville aimante, amante, malmenée par ses enfants. Alger recevait l'Afrique et j'y étais. En 1969, j'y étais déjà! J'avais dix-sept ans et je découvrais, moi l'Oranais, Alger et ses charmes. Quarante ans après, je redécouvre cette ville et ses charmes. Le Panaf, comme ils disent à Alger, j'y étais donc. Hier comme aujourd'hui. Aujourd'hui, j'ai vu des femmes et des hommes courir les places publiques pour écouter un concert, regarder un spectacle. J'ai vu des jeunes à Bab-el-Oued, à Kouba, sur l'esplanade des Martyrs, devant la Grande Poste et ailleurs, s'agglutiner devant les scènes et vibrer au premier son entendu. J'ai vu des femmes, en hidjab ou pas, assises sur les places publiques, discutant, s'esclaffant, attendant l'heure du spectacle. J'ai vu des hommes, en groupes, seuls aussi, fumant une clope ou pas, une canette de soda à la main ou un bol de café ou encore un thé, commenter le spectacle donné par une troupe nigériane. J'ai vu et entendu un enfant de onze ans dire à sa mère «maman, tu ne peux savoir le bonheur que j'ai en ce moment; jamais je n'ai encore vu de si beaux spectacles.» J'ai vu le théâtre bondé, les salles de spectacles prises d'assaut. J'ai vu le Musée d'art moderne et contemporain, cette belle réalisation en plein centre d'Alger, accessible à tous –certains soirs jusqu'à 22H!- et les expositions des photographes africains et celle de Mesli. J'ai vu le Musée des antiquités et celui du Bardo. J'ai vu le Palais des Raïs et la villa Abdeltif. J'y ai croisé un public bigarré, familles, couples, jeunes et moins jeunes, filles et garçons, tous attentifs, intéressés. J'ai vu le village des artistes à Zéralda et les deux mille personnes qu'il abritait. Une belle infrastructure, fonctionnelle, agréable, équipée d'un cyber avec 72 ordinateurs –je les ai comptés-, une bibliothèque avec des livres, oui des livres, des vrais –pas beaucoup, il est vrai- mais une bibliothèque qui s'enrichira d'autres titres à l'avenir; une salle de répétition et d'enregistrement équipée de matériel moderne, et bien d'autres équipements qui facilitent la vie aux résidents. J'y ai rencontré des Zambiens, des Ivoiriens, des Sénégalais et bien d'autres, chantant, dansant, discutant, rigolant. J'ai vu et entendu une photographe allemande dire, à propos du concert de Khaled: «J'étais en face de Khaled et, derrière moi, il y avait l'Algérie.» J'ai vu et entendu un poète et écrivain tunisien, dire: «Je n'ai pas pu assister au concert de Khaled, mais j'ai vu le peuple algérien aller vers lui. Jamais je n'ai vu cela.» Tous deux exprimaient ce qui était visible: la joie des Algériennes et des Algériens lors de ce Panaf. J'ai vu autre chose, bien d'autres choses. J'ai vu la générosité des Algériens, l'épicier qui dit: «Vous paierez un autre jour» lorsque vous farfouillez trop longtemps à chercher la monnaie; le taxi, «Ce n'est pas grave, vous me paierez une autre fois»; le serveur d'un restaurant, «Vous avez oublié votre appareil photo!» J'ai vu la sérénité des Algériens. Eh oui et j'en étais surpris, je l'avoue. Je les ai laissés il y a quelques années perturbés, fatigués, épuisés. Peut-être le sont-ils encore, ils m'ont apparu moins torturés, moins inquiets, en tous cas ils se retournent moins. J'ai vu la gentillesse des Algériens, toujours le mot et le geste qu'il faut, même lorsqu'ils disent à un homme «Soyez la bienvenue!» J'y étais, j'ai vu, j'ai entendu et j'ai rencontré. Oui j'ai rencontré des femmes et des hommes, libraires, éditeurs, écrivains, journalistes, professeurs d'université, chercheurs, cadres du ministère de la Culture. Nous avons discuté, débattu, critiqué, relevé les impasses, souligné les insuffisances et les erreurs. Nous avons aussi noté les avancées, les réalisations, les projets. Nous avons partagé des moments forts, instructifs, émouvants quelquefois. Ces femmes et ces hommes, remarquables, cultivés, ne sont pas dupes, ni candides; ils connaissent les réalités de leur pays, sont conscients des enjeux; ils veulent être écoutés, à Alger comme ailleurs. Je n'élude rien, ni la souffrance des petites gens, ni l'impasse politique, ni l'absence de libertés, ni la censure qui s'exerce de temps à autre. Rien n'est éludé. Je veux juste témoigner d'un moment de fraternité, de rencontre et d'enthousiasme. Rien d'autre que dire qu'Alger a respiré durant ces quinze jours. Reste à «continuer à respirer» comme le dit Omar Mokhtar Chaalal.