Le premier festival panafricain s'est tenu à Alger en 1969. Cela s'est passé dans une organisation parfaite et un déroulement des plus extraordinaires. Alger était devenue la capitale culturelle d'Afrique. La capitale a drainé des dizaines de milliers de spectateurs et de touristes venus du monde entier. Une quarantaine de pays africains y étaient représentés. Ont défilé de grands artistes du continent tels les Vichy Blain, Nina Simone, Miriam Makéba, Marion Williams, les Gnaouas marocains, le Biniou libyen, Archie Shepp appelé “le révolutionnaire du jazz”, les différents ballets, les expositions de sculptures, les peintures de Ousmane Fay ou encore celles de S. Samson. En marge du festival s'est tenu, du 21 juillet au 1er août, un symposium sanctionné par un manifeste culturel panafricain qui a engagé un débat de fond sur les questions suivantes : - les réalités de la culture africaine ; - le rôle de la culture africaine dans les luttes de libération nationale et dans la consolidation de l'unité africaine ; - le rôle de la culture africaine dans le développement économique et social de l'Afrique. Un effort gigantesque de récupération du patrimoine culturel avait été engagé alors. Le symposium a soumis plus de 40 suggestions “pour l'utilisation dynamique dans la vie actuelle des peuples africains des éléments de la culture africaine”, est-il annoncé en préliminaire. Entre autres, il a été proposé le renforcement et l'intensification des activités culturelles de l'Afrique ; la création de revues culturelles ; l'élaboration d'un corpus des arts et une encyclopédie du continent africain, la création d'un institut panafricain du cinéma, la création de maisons d'édition générale ; l'insertion des arts africains dans l'industrie et l'entreprise ; la récupération des objets et des archives pillés par les puissances coloniales ; permettre entre les différents pays la circulation et l'étude des expériences africaines dans les domaines de la décolonisation culturelle ; promouvoir l'utilisation et l'enseignement des langues nationales nécessaires à l'expression authentique de la culture africaine ; développer et réformer l'enseignement à tous les niveaux ; traduire dans nos langues les œuvres littéraires, historiques, philosophiques et scientifiques qui constituent le patrimoine commun de l'humanité et encourager la traduction des œuvres africaines dans les langues étrangères ; la panafricanisation et la régionalisation des universités et des instituts techniques, lieux de rencontre de la jeunesse ; les échanges de programmes entre radios, TV et cinémathèques ; l'organisation de séminaires culturels interrégionaux et d'exposition de peinture et d'objets d'artisanat ; la contribution au projet de l'histoire générale de l'Afrique entreprise par l'Unesco, etc. “Le festival d'Alger a opposé à l'anticipation fantaisiste des influences culturelles étrangères le plus pur démenti. La richesse de nos valeurs culturelles authentiques est bien une réalité du XXe siècle”, écrivait Omar Mokhtari en avant-propos d'un ouvrage consacré au festival et édité aux éditions Algérie Actualité d'alors. Mais aujourd'hui, nous ne comprenons pas pourquoi tant de richesses culturelles africaines se dulcifient et se meurent peu-à-peu. Que reste-t-il vraiment de l'héritage de nos grands artistes, penseurs et philosophes africains ? Quelle connaissance ont mutuellement les Africains de leurs valeurs ? La réhabilitation de ce festival est plus que jamais une issue pour la renaissance des cultures de notre continent. A. A.