Cherif Slimane Tlemçani, natif de Ghazaouet, a été élevé dans un milieu tout couleurs, entouré par une nature variée, terrestre et marine. Sa wilaya, Tlemcen, ne manque pas de ruines prestigieuses et de magie culturelle, elle qui a vu des générations d'artistes se succéder à l'image d'un Hemche Abdelhalim. La fibre artistique devait ainsi s'installer profondément chez lui, faisant de lui un artiste qui cherche continuellement à matérialiser par le trait et la couleur ses joies et souffrances. Nous l'avons rencontré à Tlemcen, à l'occasion d'une exposition, où il nous a livré cet entretien. - Comment choisissez-vous vos sujets? - Toute chose à un point de départ. L'artiste ne peut pas commencer une ébauche sans une idée qu'il transforme petitement, au gré de ses sensations. En effet, je m'inspire toujours du vécu que je remodèle. Je dois aussi dire que la femme, symbole de la beauté, a une bonne place dans mes toiles. Mais mes sujets deviennent en réalité des prétextes. En effet, c'est la profondeur que je recherche. Je suis toujours en quête de ce qu'il y a derrière les sujets peints. C'est le cas dans «Zina», une œuvre dédiée à ma fille, un hymne au défi relevé par la femme algérienne contre tous ceux qui osent entraver sa participation dans la vie active. Il y a aussi ce tableau qui dit la soif de la femme de s'imposer dans une société qui la mure, qui l'empêche de s'exprimer, qui va jusqu'à lui interdire de s'interroger sur son sort. Je parle de la toile intitulée «Le reflet du visage d'Eve sur la glace». - Vous avez tendance à opter pour des couleurs vives, éclatantes… - Je ne me contrôle pas en peignant. Ces couleurs ne sont que le reflet de ce qui m'habite. C'est une force intérieure qui s'extériorise ainsi. Mais je dois stopper court quiconque voudra me classer dans une école précise. Vous trouverez dans mes œuvres un jumelage entre l'impressionnisme et le cubisme. Cela dit, je ne nie pas être influencé par des artistes comme Henry Matis. - Vous avez exposé à l'étranger. Comment y a-t-on accueilli vos toiles? - Lors d'une exposition à Genève, dix de mes toiles on été vendues. Je sois aussi préciser au j'ai reçu nombre de prix d'honneur lors de diverses participations, surtout à Marseille. Malheureusement, chez nous, l'artiste est marginalisé. Il n'y a pas suffisamment de salles d'exposition, ne serait-ce que dans les chefs-lieux de wilaya. Et quand on trouve des galeries d'art, il n'est pas évident d'y être accepté. Certains galéristes ne voulant prendre aucun risque –si risque il y a- avec des artistes qui ne sont pas très connus. Notez aussi l'inexistence d'échanges culturels entre les pays arabes, ce qui aurait pu permettre des contacts entre les artistes. N'est-ce pas navrant de pouvoir exposer outre-mer et de ne pas se le permettre chez soi? - Vous nous avez dit que vous n'êtes pas considérés au même grade que d'autres artistes, comme les chanteurs… - Les arts plastiques ne semblent pas avoir le même poids en Algérie que le monde de la chanson. Les responsables ne leur accordent pas toute l'attention. Même les institutions et les grandes entreprises ne jouent pas le rôle de mécènes pour prendre en charge ce volet culturel. Nous avons comme l'impression qu'aux yeux des responsables, le mot artiste ne rime qu'avec chanteur. C'est ce qui explique la marginalisation des autres. Les artistes peintres sont grandement lésés. Pourtant, les arts sont en mesure de participer au développement du tourisme en Algérie. Il faut bien que le pays ait des trésors à présenter aux visiteurs!