C'est le grand cafouillage dans la gestion de l'épidémie de la grippe porcine par le ministère de la Santé et de la Population. La psychose des morts subites, suite au virus H1N1, s'est emparée des Algériens qui ne comprennent pas trop ce que fait la tutelle censée rassurer. En effet, le décès d'une 8ème victime, en autant de jours, ne semble pas inquiéter outre mesure le département de Saïd Barkat qui se limite, pour le moment, à la litanie de communiqués qui tient lieu de comptabilité macabre des ravages de la grippe porcine en Algérie. Tout se passe comme si l'heure n'est pas aussi grave chez nous pendant que, sous d'autres latitudes, de véritables plans de lutte sont mis au point et des programmes rapides de vaccination massive des citoyens sont opérationnels. Et que fait notre ministère de la Santé ? Il diffuse, à chaque nouveau cas signalé, un communiqué dans lequel il fournit les coordonnées et l'adresse de la victime et précise la conduite à tenir pour éviter de contacter le virus. «C'est, hélas, une bien triste façon de sensibiliser les gens sur la dangerosité de la maladie qui tue de plus en plus» dira un citoyen, à l'hôpital, où il s'est rendu pour vérifier s'il est victime d'une grippe saisonnière ou porcine. «Ceci est d'autant plus effarant que le fort taux d'analphabètes suppose que les pouvoirs publics doivent mettre en place une véritable campagne de sensibilisation qui allie toutes les formes de communications qui soient à la porté de larges couches de la population», comme le soulignera un médecin privé que des clients assaillent dans son cabinet. Depuis la conférence de presse du ministre, au cours de laquelle il avait annoncé la disponibilité «prochaine» des vaccins - mais pas pour tout le monde- «Les autorités donnent l'impression de se complaire dans une posture fataliste, en implorant le ciel pour que le phénomène ne fasse pas de dégâts», dira notre médecin qui ajoutera «on est bien dans une situation d'épidémie nationale à raison d'un décès par jour». Hier, nous avons d'ailleurs appris que le virus A(H1N1) a fait une autre victime à Sétif et qu'une jeune femme qui a accouché d'un bébé a également été contaminé par le virus. Ces informations, qui n'ont certes pas été confirmées par la tutelle, prouvent cependant que les «dégâts» pourraient être -à Dieu ne plaise- plus importants que ce qui est annoncé officiellement. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, cette épidémie couplée à la mollesse de la réaction des structures sanitaires s'ajoute aux mouvements de grève dans les secteurs de la santé. Ce qui rend la prise en charge des malades, aléatoire. «Cette situation est d'autant plus choquante en l'absence de mesures pratiques et rapides pour juguler le virus ou, à tout le moins, le détecter à temps chez des sujets suspects» renchérira un autre médecin. Autre facteur aggravant, le fait qu'on soit à la veille de l'hiver, une saison propice pour la démultiplication du virus, ainsi qu'a averti l'OMS. Paradoxalement, ce seront les praticiens de la santé publique qui semblent manifester une grande disponibilité à faire face à la grippe porcine. Hier, le Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP) a annoncé à Alger qu'il prendra en charge les malades atteints par la grippe porcine, malgré la grève de trois jours qui sera reconduite demain. «Nous prendrons en charge, dans le cadre du plan d'action national, tout ce qui relèvera du programme contre l'épidémie de la grippe porcine», y compris la vaccination des malades, a précisé son secrétaire général, le Dr. Lyès Merabet. Ce dernier a averti cependant qu'un conseil national extraordinaire, prévu jeudi prochain, pourrait décider de reconduire la grève des généralistes. Voilà qui met les Algériens dans de beaux draps avec une épidémie menaçante, une grève cyclique des médecins et un ministère de la Santé passif.