Chefs d'entreprises et postulants à l'emploi s'accordent à dire que l'Agence nationale de l'emploi (ANEM), créée pour réguler le marché de l'emploi, est devenue au fil des temps un véritable handicap pour les jeunes en quête d'un poste de travail. Afin d'organiser le marché, mettre un terme aux disparités qui entouraient auparavant les recrutements et offrir une égalité des chances aux prétendants à des postes d'emploi, l'Etat a mis en place l'ANEM, un dispositif incontournable à tout recrutement. Ainsi, les chefs d'entreprises doivent, obligatoirement, envoyer leurs besoins à l'ANEM et les jeunes chômeurs obligés de s'inscrire auprès de celle-ci afin de se faire délivrer la fameuse carte bleue et d'attendre. La réalité sur le terrain, cependant, est tout autre et les chômeurs vivent quotidiennement un véritable parcours du combattant pour ne pas dire un calvaire au point où plusieurs d'entre eux ont été découragés et perdu l'espoir de décrocher un emploi pour sortir du cycle infernal du chômage. L'enquête que nous avons menée démontre à quel point ce nouveau dispositif est loin de répondre aux aspirations de ces jeunes, et moins jeunes, à la recherche d'un emploi stable et digne. Chaque matin, l'agence est prise d'assaut par des centaines de personnes dans l'espoir de se retrouver sur la liste des heureux élus. «J'ai trouvé un poste d'emploi auprès d'une entreprise privée mais je ne peux pas l'occuper du fait que celle-ci n'a pas exprimé de besoins auprès de l'ANEM», affirme Souad, une technicienne en informatique qui se dit «outrée par ces formalités incohérentes qui ont découragé plus d'un». Pour Farid, électromécanicien de formation, «le dispositif actuel pénalise beaucoup plus les chômeurs, surtout ceux qui ont trouvé des postes d'emploi. Mais faute d'inscription à l'ANEM, ou dépôt de besoin de l'entreprise, ils ne peuvent travailler». Farid qualifie cette façon d'opérer «d'injuste et de subjective». Favoritisme et clientélisme D'autres jeunes ne sont pas allés avec le dos de la cuillère et évoquent «le favoritisme et le clientélisme dans l'affectation des postes d'emploi». Ils affirment, sans détour, que «les meilleurs postes d'emploi sont entourés de beaucoup d'opacité et que les pauvres malheureux ne peuvent prétendre qu'à des postes qui ne répondent guère avec leurs profils de formation» et d'ajouter avec humour: «Les uns cherchent les postes d'emploi et les autres les prennent». «Il est vrai que, pour plus de transparence dans l'affectation des postes d'emploi, les responsables de l'ANEM auraient dû au moins afficher la liste des offres d'emploi comme cela se fait un partout dans le monde pour que tout un chacun puisse la consulter et choisir éventuellement le poste qui lui convient. Par ailleurs, le fait de passer obligatoirement par l'agence n'est pas la solution idéale», dira un jeune universitaire en butte à des difficultés de ce genre. «Le jeune doit s'inscrire au chômage, certes, mais doit aussi chercher lui-même du travail, comme c'est le cas en France par exemple» ajoutera notre interlocuteur. Mêmes problèmes pour les entreprises Concernant les chefs d'entreprises, le problème est presque identique sinon beaucoup plus complexe car ceux qui ne respectent pas les procédures de recrutement édictées par les textes, régissant les modes de recrutement, encourent de très fortes amendes. «Non seulement, nous sommes exposés aux pénalités mais aussi aux retards dans les recrutements à cause de la complexité de ces formalités bureaucratiques» souligne un industriel dans la transformation du plastique qui ne comprend pas l'attitude des responsables. Ce dernier a connu, d'après lui, les pires difficultés en voulant réintégrer certains de ses employés. «Nous avons mis en chômage technique une partie de nos travailleurs, tous déclarés, à cause de la crise qui a frappé ce secteur. Cette année, notre unité a connu un regain d'activité et nous avons voulu faire appel à nos anciens employés qui étaient tous formés dans le domaine du plastique et cumulaient une grande expérience, mais nous avons essuyé un refus catégorique de l'ANEM qui voulait nous imposer d'autres postulants que nous avons refusés. Il fallait les former et les encadrer, par la suite, ce qui n'arrangeait guère nos affaires, alors que l'entreprise était tenue par des délais impartis pour les livraisons des produits. Nous avons bataillé dur pour pouvoir récupérer une partie de nos anciens travailleurs». Dossier épineux et sensible Notre interlocuteur nous a affirmé que plusieurs opérateurs connaissent le même problème «et qu'il est plus judicieux de laisser une certaine liberté aux chefs d'entreprises en matière de recrutement et de créer une nouvelle dynamique dans le monde du travail afin de promouvoir d'abord l'émergence des compétences par la concurrence loyale pour les postes d'emploi. Je préfère geler un poste d'emploi que de me voir imposer un travailleur non qualifié ou d'un rendement médiocre», ajoutera-t-il. En attendant une meilleure prise en charge de cet épineux et sensible dossier, les chômeurs restent livrés à eux-mêmes. Il y a ceux que les procédés actuels ont découragés et qui ont définitivement abandonné, et d'autres qui continuent d'espérer et pointent presque quotidiennement à l'ANEM.