La proposition a de quoi choquer : un député du parti du président Sarkozy, l'UMP, Thierry Mariani, connu pour sa proximité avec le président français, a déposé à l'Assemblée nationale, au nom de son groupe parlementaire, une proposition de loi visant implicitement à criminaliser la résistance algérienne au colonialisme. C'est de cela qu'il s'agit puisque ce scandaleux projet vise à faire reconnaître officiellement par la France, «les souffrances subies par les citoyens français d'Algérie victimes de crimes contre l'humanité commis du 19 mars 1962 au 31 décembre 1963 du fait de leur appartenance ethnique, religieuse ou politique». Selon les détails rapportés par TSA, les initiateurs précisent dans l'exposé des motifs, «les musulmans, notables, anciens combattants et en général ceux qui avaient participé d'une façon ou d'une autre à l'administration du pays furent rackettés, arrêtés, torturés, forcés de céder leurs biens, le plus souvent tués et leurs filles violées ou mariées de force». Le projet de l'UMP souligne que cela aurait répondu «à une politique concertée, décidée au plus haut niveau de l'appareil du FLN». Cette proposition de loi a été, évidemment, signée par le député Lionel Luca, l'homme qui a suscité et alimenté la polémique sur le film «Hors la loi» de Rachid Bouchareb présenté hier au Festival de Cannes. Le fait que le projet de loi soit élaboré par le parti de Sarkozy prouve qu'il a reçu l'aval de l'Elysée. Il traduit, en outre, la volonté d'un cercle influent en France qui voudrait placer les victimes et les bourreaux sur le même pied d'égalité devant l'histoire. Et, insidieusement, ce projet de loi vise à glorifier la longue nuit coloniale dans le sillage de la loi du 23 février 2005 en tentant de jeter le discrédit sur le mouvement national et le porte étendard de la résistance que fut le FLN historique. En attendant les suites qui seront données à cette sulfureuse initiative parlementaire, il y a lieu de s'interroger sur les mobiles d'une telle forfaiture. En effet, le projet intervient au lendemain de l'annonce par un autre député français- Arnaud Montebourg- un socialiste celui là, de l'abandon par les autorités algériennes du projet de loi visant à criminaliser le colonialisme. S'agit-il donc d'une contre-attaque française? Tout porte à le croire. C'est, peut-être, une façon de signifier que si un projet de loi de ce genre est voté en Algérie, la France va répondre par un autre projet presque de la même nature. Une sorte d'effet d'annonce qui consiste à mettre en garde, ce qui expliquerait le fait que cette initiative de l'UMP n'a pas encore suivi le cheminement institutionnel habituel puisqu'elle a juste été renvoyée devant la commission de la défense nationale et des forces armées. Cette démarche ressemble, à s'y méprendre, au projet des 125 députés algériens mis lui aussi sous le boisseau et que les autorités algériennes n'ont pas officiellement assumé. Pour la France de Sarkozy, il s'agit de «brandir la menace», si le projet algérien venait à être assumé.