- Moi, je fais tout. Maçonnerie, plomberie, menuiserie, électricité…C'est ce que vous répondra Khaled, si vous avez besoin de ses services à Alicante. Nous l'avons rencontré dans un café près de la Plaza de Toros où il habite et nous avons discuté à bâtons rompus avec lui. Devant un café solo et après avoir allumé une cigarette ducados, il nous raconte ses déboires et ses péripéties en terre ibérique : - Moi, ça va faire bientôt cinq longues années que je suis là. Je suis venu de Témouchent quand j'avais 21 ans. J'ai eu un visa d'un mois et hragte : je ne suis plus revenu en Algérie. Je suis resté ici. - Et ça va ? Tu es bien installé ? - Al hamdou Allah ! On ne se plaint pas, mais mon seul problème, ce sont les papiers. Je suis encore illégal. J'ai fait des bêtises quand je suis arrivé ici. J'étais plus jeune. Tu sais ce que c'est, ‘aql asoghr. La police m'a attrapé. Et maintenant on me refuse ma résidence à cause de mon casier judiciaire qui n'est pas vierge. C'était trois fois rien. J'étais sans expérience. On m'a proposé de la marchandise volée que j'ai revendue. Et voilà ! A cause de cela, je suis encore sans papiers. Mais je garde encore un espoir car mon avocat m'a promis qu'il avait fait un recours et inch Allah bientôt je pourrais revoir al chibaniyya que je n'ai pas vue depuis cinq ans. C'est long, tu sais et plusieurs fois j'ai voulu tout laisser tomber et revenir en Algérie. Parce que je te dis la vérité, ça ne vaut plus la peine. L'Europe et surtout l'Espagne n'est plus ce qu'elle était avant. Allah ghaleb, on s'est mis dans cet engrenage et on n'en sort plus. Mais si c'était à refaire, je resterai fel bleb, je te jure… - Et donc ici qu'est ce que tu fais ? - Je fais tout, comme je t'ai dit. Je bricole. Les gens m'appellent. Surtout les algériens et les marocains qui vivent ici. Mais pas seulement. Y a même des espagnols qui font appel à mes services car je prends beaucoup moins cher qu'un artisan espagnol qui leur fait payer le déplacement, la TVA, les impôts, la facture et tout le toutim. Moi pour 10 ou 20 euros, je les dépanne. Hier, par exemple, j'étais chez un algérien qui vit à Juan XXIII. Je lui ai changé le lavabo de sa salle de bain… Il m'a donné 20 euros et en plus de cela, il m'a invité à manger chez lui. Sa femme nous a fait un couscous au poulet avec du leben qui m'a fait rappeler le pays. - Et tu arrives à vivre ? - Nahamdou Allah. Avec des hauts et des bas. De toutes les façons je vis avec deux autres copains algériens. Des oranais. Et on s'entraide. On cuisine ensemble. Et pour la bouffe, si l'un de nous n'a pas d'argent, l'autre partagera toujours son repas. La solidarité algérienne fonctionne toujours. Pour le boulot, on m'appelle dans les maisons pour des petits travaux de maçonnerie, changer un lustre, placer des rideaux, installer une parabole… et on me donne hadak el mektoub avec quoi je vis… - Et comment tu vois ton avenir ? - Ecoute. Mes projets, c'est d'attendre encore une année pour mes papiers, sinon je retourne définitivement en Algérie. Dans le cas où je les obtiens, je descends à Témouchent, je demande aux parents qu'ils me marient. Economiser le maximum d'argent pour faire un projet en Algérie et m'y installer car s'il y a de l'argent à faire c'est bien en Algérie. En attendant, Khaled a reçu un appel à son portable. On le sollicite pour réparer un chauffe-bain qui ne fonctionne plus. Il se hâte de rejoindre l'appartement situé au quartier du « Plá » à l'autre bout d'Alicante et prend congé de nous. - Allez, à bientôt… et le bonjour à Nass Temouchent…