Une virée à la frontière algéro-marocaine, le long de la bande allant de Maghnia à Marsa Ben M'hidi en passant par Sidi Boudjenane et Bab El Assa, renseigne sur l'ampleur du trafic de carburant où des centaines de jeunes sont engagés dans cette activité informelle qui s'est inscrite dans les us de cette région. Le phénomène des Hallaba se banalise et tout laisse croire qu'il est devenu un droit. Les dinars et autres monnaies coulent à flot et les barons des carburants s'érigent en de véritables patrons d'entreprises qui emploient par dizaine des jeunes allant du chauffeur au passeur. Fini le temps des petits jerricans et des petits trabendistes qui franchissaient, d'une manière momentanée, la frontière en quête d'acheteurs de gasoil ou d'essence de l'autre côté. Aujourd'hui, malgré la répression qui sévit et l'occupation du terrain par les éléments de la Gendarmerie (GGF), la douane et autres services de sécurité, c'est tout un monde qui est recruté dans ce circuit financièrement porteur. On apprend aussi que, tout le long de ce tronçon de la frontière ouest, des réservoirs pouvant emmagasiner de grande quantité de mazout et d'essence sont minutieusement dissimulés ou enterrés dans certains endroits, maisons y compris. On ne fait plus confiance à la nature comme autrefois, puisque au début de la mise en branle de ce trafic des fûts, jerricans et autres contenants, étaient camouflés dans les champs, sous les fagots, dans des écuries et maisons abandonnées. Aussi, on croit savoir que pour la traversée du carburant, c'est tout un chantier que l'on met en branle, du guetteur au passeur en passant par les porteurs. Dans certains endroits, le carburant est acheminé vers le Maroc par un système de pompage avec canalisation souterraine traversant l'oued Kis. Ce système est beaucoup utilisé du côté de Boukanoun et Marsa Ben M'hidi. Le passage se fait quotidiennement en temps de nuit et s'arrête avant l'aube. A entendre parler certains jeunes réceptifs, ce trafic rapporte en moyenne entre 2.600 et 3.000 dinars /jour et que la recette d'un porteur de seconde zone, c'est-à-dire le passeur et autres personnes qui le suivent, dépasse de loin les sommes sus citées. A entendre certaines personnes qui expliquent l'activité auxquelles s'adonnent ces trafiquants, il y a lieu de croire que ce sont des réseaux bien structurés et organisés, allant de l'achat des carburants des stations-service, son emmagasinage jusqu'à la couverture sociale dans le cas où l'un d'eux se fait épingler et emprisonner. C'est dire que ce créneau juteux est loin de se dissiper et que les Hallaba continueront, sans aucun remord, à brader l'économie nationale. Certains barons du carburant ont des tentacules un peu partout dans les rouages de l'administration, voire même dans certains services de sécurité. «La tchipa s'appelle l'enveloppe», souligne un vieux contrebandier qui était versé dans le trafic d'épices.