Trois amis de confessions différentes, Mohamed, musulman, Jésus, chrétien et David, juif, se proposent d'entreprendre un périple à travers les terres millénaires d'Al Andalus en Espagne. Un voyage dans la mémoire qui leur permettra de connaître (de se re-connaître) par le biais d'itinéraires, les lieux symboliques de l'Espagne musulmane. Un hymne à la tolérance, au respect d'autrui et au métissage des cultures. - Mais non je disais ça pour rigoler, répond Baez comme pour s'excuser de cette petite bévue. Un peu pour changer de registre, David qui s'était tenu à l'écart de la conversation interroge Ian Gibson : - J'ai beaucoup aimé votre biographie de Lorca. Vous travaillez encore sur le sujet ? - Je n'arrêterai jamais de faire des recherches sur Lorca. En ce moment je suis en train de faire des repérages pour un livre dont le fil conducteur serait un peu les promenades de Lorca dans Granada. Le propos de ce livre serait d'accompagner le lecteur, que l'on suppose être un fervent admirateur de Lorca, à travers tous les recoins, aussi bien de la ville de Granada que de sa Vega, qui ont une relation avec la vie, l'œuvre et la mort de l'auteur. Ça sera conçu comme une espèce de guide utile pour que celui qui vient à Granada à la recherche de Lorca, puisse trouver dans ces pages des informations, des orientations qui l'aident à se situer dans la géographie du poète et dans sa vision de cette terre à laquelle il fut tellement uni en tant qu'homme et en tant que créateur. - Ça sera sûrement très intéressant. J'ai hâte de pouvoir le lire… car on sent l'amour que vous portez au sujet et à la culture granadina… - On ne peut pas travailler longuement sur quelque chose et y travailler avec toute son âme s'il n'y a pas d'amour envers le sujet…, ajoute Mohamed. Ça va peut être chôquer certaines oreilles mais je le vois dans des études qui sont faites sur le monde arabe ou sur l'Islam. Certains « éminents penseurs et connaisseurs », et je mets cette phrase entre guillemets, se penchent sur la question comme des entomologistes avisés, mais sans vraiment te faire partager, te faire vivre l'amour que l'on doit porter au sujet… Mohamed sent qu'il a réveillé des susceptibilités quand Baez l'interrompt : - Vous voulez dire par là, que les chercheurs espagnols n'ont pas d'amour pour le monde arabe ? - Il y a de cela quelques années, j'avais publié un article dans la presse espagnole où j'expliquais un peu tout cela : je disais plus ou moins que je constatais chez l'intellectuel européen une certaine ignorance du fait arabe, une méconnaissance de la sphère arabe et musulmane qui étaient dûes, à mon sens, à une absence d'amour ou d'inquiétude pour le monde arabe où il est nécessaire de traiter d'égal à égal ce partenaire et mettre de côté une certaine approche, je dirais, paternaliste et néocoloniale.