Trois amis de confessions différentes, Mohamed, musulman, Jésus, chrétien et David, juif, se proposent d'entreprendre un périple à travers les terres millénaires d'Al Andalus en Espagne. Un voyage dans la mémoire qui leur permettra de connaître (de se re-connaître) par le biais d'itinéraires, les lieux symboliques de l'Espagne musulmane. Un hymne à la tolérance, au respect d'autrui et au métissage des cultures. Il est presque quatorze heures et la faim commence à tenailler nos voyageurs qui choisissent le restaurant « el Albergue » située à l'avenue Medina Olmos non loin du centre et de la place de las Américas. La cuisine de Guadix et des villages de ses alentours est sobre et bourgeoise, riche en calories : migas, gachas, sustentos et tarvinas. Chevreau à l'ail, lapin poêlé, soupe aux pommes de terre, œufs au plat et fèves, pomme de terre des pauvres, pimentón, perdrix en marinade, et en général des plats mijotés et des potages, des charcuteries maison et des jambons du pays. Nos amis optent pour un chevreau à l'ail qui fait l'unanimité. C'est à l'heure du café alors que ses amis sont en train de savourer leur digestif que Mohamed leur propose cette question comme devinette : - Ecoutez-moi un peu au lieu de rester affalés sur votre siège, vous pouvez me dire pourquoi à chaque fois que je viens à Guadix, je pense à Robinson Crusoé ? - Ne me dis pas quand même que l'île où aurait échoué Robinson n'était pas loin de Guadix ! plaisante Jesús… Devant la mine dubitative de ses amis, Mohamed finit par expliquer : - Et bien tout simplement Guadix a vu naître en 1116, Abu Bakr Ibn Tufayl ou Aben Tufayl, l'un des plus importants philosophes de toute l'histoire d'al Andalus, un penseur arabe qui fut un sujet d'élite de la floraison de la pensée au XIIº siècle… - Ça y est… Je vois où tu veux en venir, l'interrompt David… - Ah, quand même ! ton silence commençait à m'inquiéter, tu sais… - Heureusement… je viens de faire la relation… Mais continue, continue… je ne veux pas interrompre… - Je disais donc que Ibn Tufayl, fils d'un sage de Marchena, fut aussi un illustre poète, juriste, médecin et mathématicien. Il se distingua dans la cour du roi de Guadix, Ibn Milhan, qu'il accompagna dans son exil à Marrakech, la capitale de l'empire almohade. Là, en 1154, le calife Abd al Mu'men le nomme secrétaire de son fils Ibn Saïd, gouverneur de Ceuta. Il devint cadi, vizir et premier médecin de l'empire. Il maintint également une étroite collaboration avec un autre sage andalou, que vous connaissez bien, qui n'est autre qu'Averroes, Ibn Rushd, et à qui il suggéra la composition de célèbres commentaires sur les ouvrages d'Aristote.