La formation professionnelle du Théâtre Régional de Sidi Bel Abbès devait donner une représentation, lundi au TRO, de sa dernière production «Zaman Djadid» (Modern Time), dans une adaptation très étriquée de la pièce « Topaze » de l'auteur dramatique français Marcel Pagnol par Ahmed Hammoumi, avec une scénographie et une mise en scène signées Yahia Benamar. L'art du spectacle, comme l'art culinaire, ne saurait s'accommoder de la démesure. Si l'on intègre dans une préparation un trop plein d'ingrédients, le résultat va inéluctablement tenir beaucoup plus de la ratatouille qu'au mets exquis et judicieusement concocté. L'important c'est la dose, disait la chanson. Il y aura beaucoup de notes discordantes dans ce spectacle où, en dépit de la profusion d'effets techniques, de la remarquable prestation des comédiens, c'est avec ce sentiment de désillusion qu'on ressort de cette pièce, qui s'avérera une comédie plus lassante que délassante. Cela est du incontestablement au travail tarabiscoté du scénographe qui nous gavera d'effets de scènes qui procèderont, malgré d'intéressantes trouvailles, plus de l'ostentation gratuite que du souci esthétique.
Il y aura d'abord le travail fondé sur une lecture théâtrale axée excessivement sur le « visuel » a eu pour effet de complètement étouffer le texte littéraire, déjà expurgé de tout son langage coloré et de sa verve poétique. On ne retrouvait plus dans cette pièce la langue fraîche, pulpeuse et gorgée de soleil de Marcel Pagnol où la verve du terroir, pleine d'humour et de gouaille, reflète la chaleur de la vie. L'illustration musicale très sonore, toute en trémolos fougueux, signée Lotfi Attar, ne semble pas parfaitement adaptée. Yahia Benamar est certes un scénographe plein d'ingéniosité qu'on a eu l'occasion de découvrir dans des productions théâtrales de diverses institutions théâtrales du pays où il ne se lasse pas d'user à satiété d'une batterie d'effets de scène que l'on retrouve dans les autres spectacles. L'enrouement forcé de la voix de AEK Djeriou, pour singer un personnage célèbre du cinéma, mitigera le brio qu'on lui connaît. « Zaman Djadid » est une satire sociale sur la corruption qui relate les péripéties de Zmen, un professeur, très consciencieux et soucieux de son intégrité, à l'inverse de son véreux directeur d'établissement qui s'opposera à lui accorder la main de sa fille et le limogera pour n'avoir pas consenti à soutenir une de ses nombreuses malversations. Il entrera au service d'un sombre affairiste nommé Chacal, brillamment interprété par AEK Djeriou, où il s'initiera dans des combines qui lui permettront de supplanter son employeur.