De son vrai nom Saâdia Bedief, Cheikha Rimitti est née le 8 mai 1923 à Tessala, village situé à une quinzaine de kilomètres de Sidi Bel-Abbès. Orpheline à un âge précoce, la petite Saâdia aura une enfance marquée par une précarité extrême, vivant les affres du rationnement, le mépris des colons et d'autres évènements personnels qui la marquèrent profondément dans sa chair. Et c'est au milieu des femmes, surtout lors des mariages, qu'elle découvre son don pour le chant. A vingt ans, elle se retrouve à Relizane, seule, sans soutien, passe ses nuits à la belle étoile, parfois dans les hammams, et finit par intégrer un groupe de « snai'ya », conduit par le célèbre flûtiste Cheikh Ould Nems. C'est de cette rencontre que sa carrière va prendre un grand tournant. En 1952, elle sort son premier enregistrement 78 tours chez Pathé Marconi à Alger comportant le sulfureux morceau « Charak Gattaâ ». La guerre d'Algérie et l'héroïsme du peuple lui feront chanter « Naouri el ghaba naouri, dergui dhek echbab » dédiée aux maquisards de novembre 54. Depuis, elle réussira à composer pas moins de 200 chansons à la thématique « détraquée » et très osée pour le contexte de l'époque. « Mali ya mali, Ya oueldi Oua Nkhaf a'lik, La Camel, Chouf el halti, Entya Bghitih, Daouni, Daouni, Wech men galb, Dabri Dabri … » sont autres les titres révélateurs de la grande richesse poétique de son répertoire avec ses « métaphores, ses allusions et ses double-sens. » Pour l'un de ses albums, finit par recevoir le Grand Prix du Disque 2000 de l'Académie Charles Cros. Appelée à se produire dans plusieurs capitales mondiales (New York, Paris, Londres, Amsterdam, Stockholm, Genève, Madrid, Milan, Berlin, Le Caire…) Rimitti devient ainsi avec Khaled et Mami, les authentiques ambassadeurs du Raï. La diva bel-abbésienne s'est éteinte le 15 mai 2006, deux jours après avoir donné un méga concert au Zénith de Paris. Dans l'un des nombreux écrits qui lui ont été consacrés, Marie Virolle-Souibès, auteure de plusieurs essais sur le raï, résumera ainsi le parcours de vie de cheikha Rimitti : « Persécutée, rejetée, méconnue, ostracisée, traînée dans la boue, exploitée, grugée, elle l'a été mille fois dans sa vie difficile d'orpheline, de pauvresse, de femme, d'artiste. La renommée n'a pas vraiment fait céder la galère (el mehna), n'a jamais désarmé les ennemis (el a'dyène). Comment, d'ailleurs, chanter le Raï avec tant de force si l'on ne vit pas dans un corps-à-corps perpétuel avec ces deux « piliers » de son univers thématique ? La Rimitti n'a pas capitulé. Elle a persévéré dans son être et son art, sans concession, sans retenue, avec la vérité parfois rageuse de ceux qui n'ont rien à perdre et qui ne cherchent pas les vains honneurs du monde.»