Ligue des droits de l'homme. La section de Toulon s'insurge contre le transfert des cendres du général Bigeard aux Invalides et les distinctions remises à d'anciens de l'OAS. « Non à l'hommage officiel au général Bigeard » :en une petite dizaine de jours, l'appel a déjà recueilli plus de 6000 signatures. Le texte (lire ci-contre), qui s'insurge contre le déplacement des cendres du militaire aux Invalides, est relayé par le site Internet de la section toulonnaise de la Ligue des droits de l'homme (LDH). Et pour cause : le Toulonnais François Nadiras, membre de la LDH et infatigable travailleur de la « question algérienne » figure parmi ses initiateurs aux côtés de l'historien Alain Ruscio et de la journaliste Rosa Moussaoui. Il en explique la démarche : « Le général Bigeard, mort en 2010, avait exprimé le souhait que ses cendres soient répandues sur Dien Bien Phu. Les autorités françaises ont donc pris contact avec leurs homologues vietnamiennes, qui n'ont pas donné suite. On les comprend. Gérard Longuet, originaire de Lorraine comme l'était Bigeard, a envisagé une sorte de solution de repli et a proposé qu'elles soient transférées aux Invalides. Ce qui constituerait un honneur. » Un égard que François Nadiras juge « scandaleux » au regard du parcours et des propos tenus par le général Bigeard. La torture était en effet selon lui « un mal nécessaire ». Et s'il a inlassablement nié y avoir eu recours, « rien ne prouve que ce soit vrai », ajoute François Nadiras. Le militant des droits de l'homme évoque en parallèle des faits relatés dans un article paru dans l'édition d'hier de « La Marseillaise » : on peut y lire que l'Allemagne enquête toujours pour retrouver les Allemands coupables des exactions d'Oradour-sur-Glane en 1944. En France, au contraire, « on ne poursuit pas ceux qui ont eu des comportements condamnables en Algérie, on les amnistie ». Non seulement on les amnistie, mais il arrive même qu'on les distingue. « C'est ce qui se passe avec Bigeard, mais aussi avec Hélie de Saint-Marc [qui s'est vu remettre la Grand-Croix de la Légion d'honneur, ndlr]. » « Obstacle à la réconciliation ». Plus près de chez nous, où le souvenir de la guerre d'Algérie demeure, d'une manière ou d'une autre, extrêmement vivace, c'est le Varois Jean-François Collin qui a été décoré de la Légion d'honneur. Jean-François Collin ? Mais si… souvenez-vous : un ancien élu Front national à Hyères, aujourd'hui président de l'Adimad (Association de défense des intérêts moraux des anciens détenus). Un sigle qui omet de souligner que l'association accueille dans ses rangs activistes de l'OAS et autres adeptes de l'Algérie française. La nomination de cet ancien de l'OAS comme chevalier de la légion d'honneur n'a pas manqué de susciter la réaction de plusieurs associations telles que la Fnaca (Fédération nationale des Anciens Combattants en Algérie, Maroc, Tunisie) et l'ANPNPA (Association nationale des Pieds-Noirs progressistes et leurs amis) qui y voient notamment un « obstacle à la réconciliation ». Dans le même état d'esprit, la LDH de Toulon pointe régulièrement les stigmates du colonialisme qui demeurent au gré des rues toulonnaises. Parmi eux, le monument érigé Porte d'Italie à la gloire de Roger Degueldre, créateur des commandos Delta de l'OAS. « Nous ne demandons pas qu'il soit supprimé car les édifices permettent de comprendre l'histoire. En revanche, nous allons engager une démarche officielle pour que soit apposée une plaque explicative, sans parti pris. » Pédagogie et devoir de mémoire certes, mais on n'oublie pas néanmoins que c'est devant cette stèle que « Jean-Marie Le Pen a lancé sa campagne lors des dernières Régionales pour l'anniversaire des barricades d'Alger ». AGNES MASSEI « Non à un hommage officiel au général Bigeard ». Plus de 6000 personnes ont signé le texte suivant :« De son vivant, le général Bigeard a toujours bénéficié de l'admiration des forces politiques les plus réactionnaires et de leur soutien actif. Et voici qu'une année après sa mort, il est de nouveau utilisé pour une manœuvre politicienne, orchestrée par le ministre de la Défense, dont le passé d'extrême droite est connu : le transfert aux Invalides de ses cendres.Cette initiative est doublement pernicieuse.D'une part, il y a une certaine indécence à mettre Bigeard au rang d'autres grands militaires qui y reposent, parfois depuis des siècles. On peut avoir des analyses critiques sur tel ou tel d'entre eux, mais beaucoup mirent leur génie au service de la défense du territoire français.D'autre part, et surtout, une telle initiative serait une insulte à divers peuples qui acquirent au prix fort, naguère, leur indépendance. Ces pays sont libres depuis des décennies, ils ont le plus souvent des relations cordiales avec le nôtre. A-t-on pensé un instant quel signal le gouvernement français s'apprête à leur envoyer ? Est-ce du mépris à l'état pur ou de l'inconscience ?On nous présente cet officier comme un héros des temps modernes, un modèle d'abnégation et de courage. Or, il a été un acteur de premier plan des guerres coloniales, un "baroudeur" sans principes, utilisant des méthodes souvent ignobles. En Indochine et en Algérie, il a laissé aux peuples, aux patriotes qu'il a combattus, aux prisonniers qu'il a "interrogés", de douloureux souvenirs. Aujourd'hui encore, dans bien des familles vietnamiennes et algériennes, qui pleurent toujours leurs morts, ou dont certains membres portent encore dans leur chair les plaies du passé, le nom de Bigeard sonne comme synonyme des pratiques les plus détestables de l'armée française.Nous n'acceptons pas que la notion d'héroïsme soit liée à l'histoire de cet homme. Lors des guerres coloniales conduites par la France, les vrais héros étaient ceux qui, dans les pays colonisés, luttaient pour la liberté et l'indépendance de leurs peuples, ceux qui, en métropole, ont eu la lucidité de dénoncer ces conflits, si manifestement contraires au droit international, au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et à l'intérêt même de la nation française.L'objectif aurait été de réveiller les guerres mémorielles que les manipulateurs à l'origine de cette initiative ne s'y seraient pas pris autrement.Nous exigeons que le gouvernement français renonce à cette initiative historiquement infondée, politiquement dangereuse et humainement scandaleuse. »