Les députés de l'assemblée populaire nationale ont adopté, mercredi 14 décembre, le projet de loi sur l'information, malgré l'opposition des journalistes et d'une bonne partie de la classe politique. Si le projet de loi annule les condamnations à des peines d'emprisonnement prononcées à l'encontre des journalistes, qu'il évoque l'ouverture de l'audiovisuel au privé et instaure de nouvelles instances chargées de gérer les secteurs de la presse, il contient de nombreuses restrictions au libre-exercice du métier, notamment en matière d'accès aux sources de l'information. "Le texte comporte des restrictions graves, introduites au nom de la défense de la politique étrangère et des intérêts économiques du pays", selon Mustapha Bouchachi, président de la ligue algérienne des droits de l'Homme. Pour lui, la liberté d'expression est contrôlée dans la nouvelle loi par "une série de considérations adaptées par le régime à ses propres intérêts." Khaled Bourayou, avocat spécialiste dans la défense des journalistes, déclare que la nouvelle loi "n'est qu'une vitrine chantée par le pouvoir à l'étranger, alors que la réalité est autre chose". Il affirme déplorer la situation de la liberté d'expression, suite à l'adoption de la nouvelle loi sur l'information, ajoutant que "tous les efforts consentis par les professionnels de l'information pour enrichir le texte ont été occultés". Bourayou appelle "toutes les parties concernées par l'avenir des libertés dans ce pays à poursuivre leur militantisme pour garantir la liberté d'expression". De son côté, Kamel Amrani, le secrétaire général du syndicat national des journalistes, annonce que son syndicat a mis en garde contre l'amendement de la loi sur l'information de 1990. "Nous avons précisé que l'amendement ne signifiera pas forcément que plus d'espaces de liberté seront garantis ", tient-il à ajouter. Pendant le déroulement du vote, des militants prônant la liberté de la presse ont organisé un rassemblement devant le parlement et transmis à ce dernier un communiqué dans lequel ils ont exprimé leur "refus de l'avant-projet de loi sur le code de l'information qui ne répond pas aux attentes, aux aspirations et à l'espoir des journalistes qui aspirent à une protection professionnelle et sociale." "Pour parler de contre-pouvoir, il faudrait d'abord avoir une vie politique. Or, en Algérie, il n'y a plus ni politique ni scène politique," affirme Redouane Boudjemâa, enseignant en sciences de l'information et de la communication. "Je pense qu'aujourd'hui, à travers les lois, le pouvoir algérien s'inscrit encore à la marge de l'histoire", ajoute Boudjemaa. "On ne réfléchit pas aux intérêts de l'Etat mais aux intérêts des personnes au pouvoir." Brahim Brahimi, directeur de l'école supérieure de journalisme d'Alger, déclare que "L'adoption des deux textes va à contre-courant de ce qui se passe dans le monde et particulièrement dans le Monde arabe". "Avec ce texte, nous sommes en train de nous isoler", poursuit Brahimi. "Par ailleurs, le projet de loi va à l'encontre des réformes. En 1990, nous avons insisté sur le droit à l'information et aujourd'hui, il faut mettre l'accent, avec l'ouverture à l'audiovisuel, sur le droit à la communication." "On fait réellement marche arrière pour revenir enfin au texte de 1982. La presse aura à prouver qu'elle est le deuxième pouvoir en Algérie. Un effort supplémentaire est demandé à la corporation des journalistes. Le pouvoir a réussi à déstabiliser les partis politiques sans que la justice ose réagir," ajoute-t-il encore. "La presse est aujourd'hui appelée à continuer à lutter pour que la société civile finisse par trouver sa place dans un Etat moderne," conclut Brahimi. Nazim Fethi pour Magharebia