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Boualem Sansal « Une décolonisation mal faite, une indépendance inachevée »
Publié dans AlgerieNetwork le 06 - 02 - 2012

C'est en ces termes que le romancier algérien Boualem Sansal, qui publie Rue Darwin, nous décrit la situation de son pays. Boualem Sansal était ces jours-ci à Paris. Nous l'avons rencontré pour tenter d'en savoir plus sur ce roman, sur son œuvre en général et sur l'Algérie en particulier.
À première vue, Rue Darwin serait un récit autobiographique où l'imaginaire intervient. 
Ne s'agit-il pas de ce qu'on nomme désormais une bio-fiction ?
Boualem Sansal. Tous les personnages du livre sont réels. Le narrateur me ressemble beaucoup. Néanmoins, il ne s'agit pas d'une autobiographie. Je ne désirais pas parler, sans leur avis, de ces gens-là – d'ailleurs, la plupart sont morts ; quant aux survivants, je ne sais pas où ils sont. C'est pour cette raison que toute démarche autobiographique m'était interdite. Avec des faits réels, j'ai construit une fiction à travers laquelle j'ai voulu reconstituer, en partie, ma propre histoire en répondant à certaines questions. Cela m'a surtout permis de parler enfin, chose que je n'ai jamais pu faire du vivant de ma mère. L'occultation a été collective. Et puis, ma mère est morte. Il y a trois ans. J'avais tant de questions à lui poser. Elle avait le sens du secret. J'ai été élevé dans cette atmosphère-là.
On a le sentiment que 
le narrateur prend le parti de ceux qui restent sur le sol national. Ne fait-il pas ainsi implicitement la leçon à ceux qui ont choisi l'exil ?
Boualem Sansal. Non, car c'est leur vie. Ils ont fait le choix de partir, comme beaucoup de gens dans tous les pays du monde. Il y a autant de raisons que d'individus. Mais depuis la guerre civile en 1990, j'ai tendance à penser qu'il faut se battre pour son pays et rester. Partir, oui, mais il faut penser à revenir. Le pays a besoin de ceux qui sont à l'étranger parce qu'ils ont généralement une bonne formation, une expérience de la vie et de la démocratie. Ils seront très utiles. Quand je pense à la Libye, j'espère que sa diaspora formidable, et qui vit surtout en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, va rentrer au pays. J'ai récemment fait une conférence à Berlin où j'ai lancé un message aux diasporas des pays arabes afin qu'elles rentrent au plus vite dans leurs pays respectifs. On a besoin d'elles pour créer une administration et rénover l'université. C'est là que cela se joue. Sinon, on retombe soit dans une dictature militaire soit sur les islamistes… En même temps, l'appel de l'ailleurs est très fort. On se dit que la vie passe et qu'il serait bon d'aller profiter de la démocratie. Moi, si je venais en France, ou dans les pays où je suis connu, je vivrais très bien. Mais dans le contexte d'aujourd'hui, je me dis, pas maintenant.
Ce livre serait une sorte de grande réflexion à titre personnel sur cinquante ans d'histoire de l'Algérie ?
Boualem Sansal. En effet. Le héros voit le jour au moment des massacres de Sétif, en 1945. La guerre d'Algérie commence quelques années après. C'est aussi une période de très grands espoirs. L'indépendance paraissait lointaine mais possible. On se disait : on aura tout, on va sortir de la misère, on va pouvoir envoyer nos enfants à l'école. L'indépendance arrive et les régimes qui se mettent en place sont pires que le régime colonial. Et ça continue. Avec le temps, les choses s'améliorent un peu et patatras ! de nouvelles dictatures apparaissent au nom de l'islam. C'est une malédiction ! En fait, depuis 2 500 ans, l'Algérie ne cesse d'être occupée. Nous sommes le produit d'une décolonisation mal faite, d'une indépendance inachevée. Il n'y a pas d'unité nationale.
Quelle est votre formation littéraire ?
Boualem Sansal. Le goût de l'écriture m'est venu avec celui de la lecture, grâce à l'école. J'étais un bon élève. J'ai reçu des livres lors des distributions de prix. Deux m'ont marqué : un bouquin d'Alain Bombard et l'Ile mystérieuse, de Jules Verne. Plus tard, c'est un ami écrivain, Rachid Mimouni, qui m'a encouragé à écrire. J'ai été son premier lecteur. Je l'aidais à corriger les fautes d'orthographe. Je n'ai suivi son conseil que lorsqu'il est mort. Et puis, il y a eu l'assassinat du président Boudiaf, en 1992. Tous les Algériens qui croyaient en la démocratie étaient amoureux de lui. J'ai appris sa mort alors que j'étais haut fonctionnaire au ministère de l'Industrie. Pour moi, ça a été le déclic de mon engagement.
Comment vos romans sont-ils accueillis dans votre pays ?
Boualem Sansal. Mon premier roman, le Serment des barbares (Gallimard), est sorti en septembre 1999, en France, et en octobre de la même année en Algérie. Immense succès. C'était une époque de reflux de la guerre civile. L'espoir renaissait. Les gens commençaient à vouloir militer, lire. Cette période, qui a duré deux ou trois ans, a été formidable pour moi. Entre-temps, notamment à cause de ce que je disais dans les journaux, j'ai commencé à beaucoup déranger le gouvernement. Bouteflika ne supporte ni la contradiction ni la critique. En 2003, il m'a limogé de mon poste. Je me suis retrouvé sans revenus. Pour le système, j'étais la bête à abattre. La propagande officielle ne cessait de m'insulter, de dire que j'étais contre mon pays, contre l'islam et contre le peuple algérien. Pour le peuple, j'étais quelqu'un qui se bat. Comme lui.
Le tournant a eu lieu après la publication, en 2006, de Poste restante : Alger, avec comme sous-titre, Lettre de colère et d'espoir à mes compatriotes. C'est une lettre de soixante pages dans laquelle je dénonce le pouvoir, les islamistes et même le peuple algérien dont je fais partie. Nous avons accepté, applaudi ces gens-là. Nous les avons soutenus et nous n'avons fait aucun effort, aucun travail sur nous-mêmes. Nous nous sommes laissé embrigader. Il faut se libérer des dictateurs, mais il s'agit aussi que la femme se libère. Tous les Algériens sont démocrates mais pas chez eux. Il faut que chacun reconnaisse sa femme, ses filles, ses sœurs comme des personnes, comme des individus libres, ayant les mêmes droits. Cette lettre, les Algériens l'ont très mal prise. J'ai donc perdu une partie de mon public. Nous, nous voulons une société civile. Nous voulons que le peuple se gouverne lui-même en élisant librement ses représentants.
L'Algérie est un poste magnifique d'observation, même si c'est douloureux. Que pensez-vous qu'il puisse arriver à l'Algérie, dans le meilleur des cas ?
Boualem Sansal. Tous les jours, il y a des manifestations, mais la mayonnaise ne prend pas. C'est une question de temps. Il faut un acte symbolique fort pour que cela entraîne le peuple en son entier. En Tunisie, cela a été l'immolation de Mohamed Bouazizi. En Egypte, ce fut l'arrestation de ce garçon sur Facebook qui a été torturé. En Algérie, on a tout essayé. On en est à plus de cent cinquante immolations depuis le début de l'année. Certaines dans la même semaine que Bouazizi. Il y a même une femme qui est partie s'immoler devant la présidence de la République.
Le sixième roman de Boualem Sansal, réflexion sur l'histoire de l'Algérie, part du destin de Yazid, un narrateur qui lui ressemble comme un frère, à travers cinquante ans d'histoire. Le roman, qui débute à la mort de la mère du héros, tient de l'autoanalyse où la vérité jusqu'alors tue refait surface. Il y a la rue Darwin, au sein du quartier populaire de Belcourt 
à Alger, où Yazid vécut entre 1950 
et 1960. Il y a aussi un avant Darwin, lorsque Yazid vivait 
chez Djéda, sa grand-mère, première femme à la tête d'une immense tribu, qui a connu tous 
les régimes en s'accommodant de chacun et qui amassa une fortune en partie grâce au commerce 
des maisons de tolérance.


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