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Du côté de chez Sansal, rue Darwin
PRIX DE LA PAIX DES LIBRAIRES ALLEMANDS, LE 16 OCTOBRE à FRANCFORT
Publié dans Liberté le 06 - 10 - 2011

Boualem Sansal est l'homme qu'on aime haïr avec jubilation. On lui trouve tous les défauts, y compris celui d'avoir du talent. Ce qui est en soi un motif assez suffisant pour se faire vomir. Ajoutez le succès, ajoutez ses romans où l'Algérie est regardée d'un œil sec et critique, et on comprendra pourquoi il soulève, dans certains microcosmes, tant de tempêtes dans un verre d'eau.
L'ayant rencontré par hasard, je m'étonnais de le trouver ici alors qu'on le disait se dorant la pilule en permanence à la terrasse du Café Flore à Paris St-Germain. Il ouvrit grand ses yeux calmes et m'invita chez lui à Boumerdès. Quoi Boumerdès ? Il vit encore à Boumerdès ! On aura tout vu. Voilà une autre raison de le détester, puisque toutes les raisons sont bonnes. Six heures plus tard, on se retrouve à notre rendez-vous, un carrefour de cette banlieue côtière. Direction : son domicile.
Il conduisait une petite berline rouge que certains m'avaient décrite comme une limousine flamboyante. Après Boumerdès, la petite berline, trop, c'est trop. Je le suivais jusqu'à sa demeure, située dans une impasse. Un palais ? Voyons, ce n'est pas un beggar. C'est juste un écrivain. Donc sa maison lui ressemble : une petite villa élégante et spacieuse loin du luxe ostentatoire des palais des nouveaux riches qui ont pour seule lecture celle des millions qu'ils alignent à la pelle.
En fait, avec sa queue de cheval et sa tête d'Apache désenchanté aux traits apaisés, je l'aurais bien vu dans son tipi en train de fumer le calumet aux côtés de sa squaw. On parla d'abord du prix de la Paix des libraires allemands qu'il allait recevoir le 16 octobre en marge de la foire du livre de Francfort des mains du président allemand. Ce prix de la paix vaut le Nobel pour les Allemands. Il est heureux de cette reconnaissance étrangère, alors qu'il n'est même pas invité au Sila, ici chez lui, enfin presque. Smail Amziane, commissaire du Sila, a prétendu le contraire dans Liberté même. Passons. Il parle d'une voix égale, sans aigreur, ni colère.
Détaché, il est serein comme un stoïcien qui s'est libéré de ses opinions et de ses jugements. Il sait qu'il y a une ambiguïté entre lui et le pouvoir algérien : “Je sais qu'on n'aime pas ici que je critique le pays à partir de la France.” Il sourit, un sourire d'homme qui se veut libre. Et raconte cette anecdote. “Un jour, après avoir donné une conférence dans une ville française, j'entendis une vieille Française sangloter. Je voulais savoir pourquoi. Elle me confia entre deux sanglots qu'elle s'était d'abord dit : ‘Encore un Arabe !', car depuis qu'elle avait perdu son mari en Algérie elle détestait ce pays. ‘En vous écoutant, je me suis réconciliée enfin avec l'Algérie'.” Boualem est ému. Même si cet homme impassible ne se laisse pas découvrir, on le devine aux clignements de ses paupières et à ses mots qui trébuchent. Ayant juste commencé à lire son dernier roman, Rue Darwin, je voulais connaître la part du réel de la fiction, car si le narrateur Yazid lui ressemble par des côtés, tout le reste ne manque pas de surprendre, surtout la grand'mère Jeda, patronne d'un immense lupanar qui a des extensions ailleurs qu'en Algérie. Redoutable femme d'affaires, elle s'est arrangée pour être appréciée à la fois par l'armée coloniale et par le régime de Ben Bella. “Autobiographie de fiction, selon Boualem, avec 50% de vrai… J'ai pris plusieurs vies que j'ai réunies dans ce roman.” En lisant par la suite le roman, accrocheur en diable avec le style poétique que l'on reconnaît à l'auteur, on retrouve l'histoire de l'Algérie moderne racontée avec une ironie mordante.
Le trait est d'autant plus cruel qu'il est moqueur. Tout y passe : le régime de Ben Bella, Boumediene et sa sanguinolente diatribe : “La terre arabe a soif de sang et le peuple musulman veut des martyrs.” ; la propagande socialiste, le manque de conviction des chefs et leur opportunisme, l'absence de vision, les nationalisations injustes, les confiscations, la malvie des Algériens, leur désenchantement, la fuite des compétences à l'étranger à travers l'exil des frères et sœurs du narrateur.
Il y a des moments de vraie émotion, comme la rencontre manquée de Yazid avec son frère homosexuel décédé, David alias Daoud, et des moments désopilants quand il revient sur sa participation avortée à la guerre d'octobre 1973. Cause : la débandade des armées arabes qui ont chanté trop tôt victoire avant d'être balayées par Tsahal. En lisant son roman, impossible de faire l'impasse sur cette interrogation : comment un homme si peu disert a tant de choses à raconter par écrit ?
Il ressemble en cela à nos parents : ils parlaient peu pour ne pas vider leur énergie dans la parole. Boualem est donc un homme d'hier qui ne se résigne pas à l'Algérie d'aujourd'hui. Un homme d'autrefois qui a juré d'écrire ce qu'il ne peut dire.
Hamid Grine


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