« L'opération d'élimination de ben Laden, réalisée par l'unité dite Team 6 des SEAL de l'U.S. Navy, représente dans aucun doute une affirmation considérable du JSOC (Joint Special Operations Command), qui est le commandement opérationnel des unités des forces spéciales intégrées. Cette extension du commandement des forces spéciales (SOCOM) tend à devenir une spécificité très singulière. Le JSOC est, peu à peu, par l'usage, détaché du SOCOM (Special Operations Command), c'est-à-dire détaché du commandement des forces spéciales qui est intégré dans la chaîne hiérarchique normale du Pentagone. Ainsi l'opération “Geronimo” (l'opération d'élimination de ben Laden) a-t-elle eu lieu directement sous le contrôle de la Maison-Blanche et de la CIA. (Et ainsi retrouve-t-on un complément de ce qui précède, concernant l'effacement du rôle du Pentagone dans cette opération, – mais peut-être plus encore, comme on le voit ici.) […] » Cette évolution des forces spéciales, et particulièrement du JSOC qui se présente de plus en plus comme une entité hors structures (du Pentagone), est évidemment très significative. L'opération “Geronimo”, avec l'image de succès qu'elle représente, ne peut qu'accentuer cette évolution, d'autant plus qu'elle constitue un symbole très puissant pour les USA. Le JSOC, dont la création (en 1980) précède celle de SOCOM (en 1986), a été créé à la suite du terrible échec de la mission de libération des otages de Téhéran (la mission “Eagle Claw”), en avril 1980. La mise en évidence d'énormes faiblesses de coordination entre les trois armes impliquées dans “Eagle Claw” conduisit au constat qu'il fallait créer un commandement spécial intégrant les trois armes pour les opérations spéciales. C'est pour cette raison que la référence à “Eagle Claw” est très présente dans les commentaires autour de “Geronimo”, et qu'en un sens “Geronimo” est présentée comme une revanche de “Eagle Claw”. » Ce contexte conduit à observer combien JSOC tend à devenir un élément spécifique, une sorte d'armée “spéciale”, qui peut répondre directement aux ordres d'autorités hors du Pentagone, notamment et précisément d'une autorité comme le président des USA. D'un certain point de vue, cela pourrait être présenté comme une façon de répondre au chaos de gestion et d'utilisation qu'est devenu le Pentagone. D'un autre point de vue, certains pourraient y voir une sorte de Garde Prétorienne du pouvoir civil, utilisable dans diverses circonstances et de façons très différentes. » Pour autant, JSOC n'est pas à l'abri des avatars. L'exécution de la mission “Geronimo” par les SEAL, qui viennent de l'U.S. Navy, a suscité divers mécontentements dans d'autres unités de JSOC, notamment la Delta Force de l'Army. La hiérarchie de Delta Force ne manque pas de noter que les deux chefs des deux organisations des forces spéciales, sont deux amiraux venus des SEAL : Olson pour SOCOM et McRaven (successeur de McChrystal à ce poste) pour JSOC. » Philippe Grasset, Le JSOC est-il la Garde Prétorienne de BHO ?