Cela fait plusieurs mois que je parle du risque pour Washington de voir le Pakistan choisir entre les Etats-Unis et la Chine. Un choix que Washington contraint Islamabad à faire au fil de ses viols systématiques de la souveraineté territoriale, de ses assassinats dits ciblés (par drone Predator ou escadron de la mort Task Force) causant ainsi des bavures sur des civils (près de 2500 victimes), de son ingérence dans les affaires internes, mais surtout à cause de la trop grande soumission de certains politiciens et hauts gradés aux diktats impérialistes et sa stratégie de confusion avec l'ennemi de toujours, l'Inde. Est-ce que l'opération Geronimo (au-delà du seul cadre de l'élimination du cheikh Ben Laden) serait la goutte d'eau qui a fait/ferait déborder le vase ? Est-ce que le fantôme de Ben Laden va-t'il encore longtemps hanter les instances washingtoniennes ? Analyse de Dedefensa En visite en Chine, une visite programmée avant l'opération Geronimo, Yousuf Raza Gilani, Premier ministre Pakistan, n'a pas manqué de lancé des attaques de communication contre les Etats-Unis. Interviewé par Xinhua, « Gilani n'a cessé de tarir d'éloges sur les liens qui unissent la Chine et le Pakistan, la Chine baptisée de « meilleur ami » du Pakistan, d'« ami par tous les temps ». Il a déclaré, « Nous apprécions que dans toutes les circonstances difficiles, la Chine est restée debout avec le Pakistan. Ainsi, nous appelons la Chine un vrai ami et un ami éprouvé et de toute saison. Nous sommes fiers d'avoir la Chine comme notre meilleur et ami le plus éprouvé et la Chine trouvera toujours le Pakistan debout à ses côtés à tout moment ». « Regroupant ces différents commentaires et appréciations, on observe une grande diversité et un élargissement considérable des propos prospectifs, des tons nouveaux allant jusqu'aux commentaires méprisants et choquants venant d'un homme d'habitude aussi réservé que Gates, etc. L'avertissement de Ron Paul, estimant que les USA peuvent aller jusqu'à une invasion du Pakistan n'est pas non plus à prendre à la légère, parce que Ron Paul ne lance pas de telles possibles prospectives à la légère, justement, et qu'il est évidemment idéalement placé pour recevoir des confidences à ce sujet. Ce qu'on constate avec le tableau assez confus proposé, c'est essentiellement que la préoccupation stratégique centrale, avec sa diversité, ses complications et contradictions, est passée de l'Afghanistan au Pakistan. La raison de cet changement est à chercher, et à trouver, dans la liquidation de ben Laden, beaucoup plus comme symbole puissant que comme fait militaire ou politique, dont on sait toutes les incertitudes et les contestations qui s'y attachent. Le symbolisme de la chose, c'est que ben Laden n'existant plus officiellement, c'est toute la symbolique très puissante de la guerre contre la terreur, et, essentiellement, de sa composante afghane, qui vacille et perd de sa substance très rapidement. Nous parlons ici de l'effet psychologique et nullement des analyses de la CIA ou des rapports satisfaits du général Petraeus. La conséquence de ce choc psychologique immense, conséquence souterraine mais qui va influer fortement sur les réactions, puis les appréciations et les perceptions, puis sur les analyses, c'est que l'importance du théâtre afghan décroît à mesure. Dans la même mesure, l'importance du théâtre pakistanais augmente, dans un sens agressif et accusatoire du côté US. Le problème est que le Pakistan, tout corrompu qu'il est (mais qui ne l'est pas du côté de Washington ?), est tout de même moins malléable comme adversaire ou commodités dont on peut user et abuser du territoire que ne l'est l'Afghanistan. Comme les personnalités et analystes US ne cessent d'affirmer que les USA vont faire du Pakistan ce qui leur plaira, y compris renvoyer telle ou telle zone à l'âge du pierre grâce aux bombardements, les Pakistanais en viennent à se trouver obligés de riposter. Le pouvoir politique devient un adepte très zélé de l'alliance chinoise ; les experts US ont beau affirmer que c'est sans importance, tout, chez les uns et les autres, montrent au contraire que les USA considèrent cela comme très important. Le résultat est que l'antagonisme actuel avec le Pakistan pourrait bien s'élargir à d'autres puissances de la région et devenir extrêmement sérieux. Si, entretemps, les USA décident de faire ce que le candidat aux présidentielles Ron Paul annonce qu'ils pourraient bien faire, la crise déjà devenue conflit larvé, pourrait monter d'un cran supérieur, peut-être un cran décisif... Obama aurait vraiment “sa” guerre, il ferait diablement présidentiel. » Philippe Grasset, Le Pakistan transformé par Geronimo Notes : 1/ Magnifique synchronicité d'Obama qui s'est adressé au monde arabe, par extension, au monde musulman. 2/ Il convient de rappeler de vieilles rumeurs extérieures à ce contexte qui paraissent très peu fiables. Des rumeurs relevant, à mon avis, d'opinions personnelles circulant au sein du cercle géopolitique racontant que c'est Washington qui possèderait les codes d'activation de l'arsenal nucléaire pakistanais. D'autres disent que Islamabad se doit de demander la permission à Washington pour riposter contre le voisin indien. On voit très mal comment Islamabad pourrait riposter étant donné que la neutralisation des installations (sites, silos, engins) nucléaires serait la première initiative indienne avant la poursuite des opérations militaires. De plus, si ces rumeurs étaient fondées, l'Inde, au courant de cette éventualité incapacitante, aurait probablement envahi le Cachemire ou du moins mis la pression sur le Pakistan.