La coalition internationale, qui vient de transférer le commandement des opérations militaires en Libye à l'Otan, semble de nouveau divisée jeudi sur la question de la fourniture d'armes aux rebelles libyens, l'alliance atlantique et plusieurs pays se déclarant opposés à cette option. La question d'armer les rebelles s'est faite de plus en plus insistante depuis que ces derniers ont commencé à perdre du terrain devant l'avancée des troupes loyales au colonel Maammar El-Gueddafi qui ont repris coup sur coup, mercredi, les villes de Brega et de Ras Lanouf, dans l'est du pays, malgré la poursuite des frappes militaires menées par l'Otan. Des pays occidentaux membres de la coalition internationale ont soutenu l'idée d'armer les rebelles libyens, lors de la conférence sur la Libye mardi à Londres. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont évoqué cette éventualité sans toutefois prendre de décision officielle. Interrogé sur la chaîne de télévision NBC sur ce sujet, le président américain Barack Obama a répondu: "Je ne l'exclus pas. Mais je ne dis pas non plus que cela va se faire". Cette option ne semble pas pourtant faire l'unanimité au sein de la classe politique américaine. Le président da la commission du Renseignement auprès de la Chambre des représentants, Mike Rogers, n'en pense pas moins que les Etats-Unis n'étaient pas suffisamment renseignés sur les rebelles libyens pour leur fournir éventuellement des armes. Parallèlement, des agents de la CIA, qui s'étaient rendus en Libye peu de temps après l'évacuation totale de l'ambassade américaine à Tripoli, sont en contact avec les rebelles dans le but notamment de recueillir des renseignements sur leur identité et leurs objectifs. En l'absence de décision sur ce sujet, Barack Obama a signé récemment un décret confidentiel autorisant des opérations secrètes de la CIA en Libye pour appuyer les insurgés libyens, selon l'agence Reuters. Le Premier le ministre britannique David Cameron a justifié, devant le parlement, la nécessité de fournir des armes aux insurgés libyens par l'évolution de la situation sur le terrain, oû les rebelles ont essuyé plusieurs échecs aux cours d'affrontements avec les troupes d'El-Gueddafi, "mieux équipées". En revanche, le ministre français de la Défense Gérard Longuet a assuré que la livraison d'armes à la rébellion libyenne n'était "pas à l'ordre du jour" car non "compatible" avec la résolution 1973 de l'ONU. Le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen, a pour sa part souligné que l'alliance n'allait pas armer les populations en Libye, et que cette tache ne faisait pas partie de sa mission. "Nous sommes là pour protéger le peuple libyen, pas pour armer le peuple", a-t-il dit, affirmant qu'en ce qui concerne l'Otan, "nous nous concentrerons sur la mise en place d'un embargo sur les armes, et le but clair d'un embargo sur les armes est de stopper l'entrée d'armes dans le pays". L'Italie, qui participe aux frappes militaires sous le commandement de l'Otan, s'est également déclarée opposée à la fourniture d'armes aux insurgés libyens. "Armer les rebelles serait une mesure controversée, une mesure extrême qui diviserait certainement la communauté internationale", a affirmé le porte-parole du ministère italien des Affaires étrangères, Maurizio Massari. Même position adoptée par le Danemark, membre de la coalition internationale, qui a écarté mercredi toute possibilité de livraison d'armes aux rebelles, affirmant vouloir éviter d'être "une partie active d'une guerre civile". "Nous avons dit très clairement que nous ne souhaitions pas être une partie active d'une guerre civile", a dit la ministre danoise des Affaires étrangères Lene Espersen, ajoutant que son pays ne voulait pas "franchir un pas supplémentaire en commençant à fournir des armes à un camp". La Russie qui a désapprouvé l'intervention militaire en Libye a affirmé "qu'aucun pays n'a le droit d'armer les rebelles en Libye, en vertu du mandat approuvé par le Conseil de sécurité de l'ONU". "Nous sommes totalement d'accord avec le secrétaire général de l'Otan", a indiqué le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Au milieu de cette polémique, un expert à l'institut des études stratégiques (IISS) de Londres, spécialisé dans les forces terrestres, Ben Barry a estimé que l'armement des rebelles "ne changerait pas tellement la situation" en Libye en raison notamment de la désorganisation des troupes dans l'Est du pays. "Actuellement, les forces rebelles dans l'Est semblent tellement désorganisées que même si on leur offrait les meilleures armes possibles, cela ne changerait par tellement la situation", a-t-il dit à l'APS, en soulignant que ce qui peut avoir d'effet c'est "le déploiement d'équipes de formateurs et de conseillers pour aider les rebelles à mieux coordonner leurs actions". La question de l'armement des rebelles a soulevé aussi les craintes de voir ces armes tomber entre les mains de groupes terroristes. Le président da la commission du Renseignement auprès de la Chambre des représentants, Mike Rogers, qui soutient pourtant l'intervention militaire américaine, n'en pense pas moins que les Etats-Unis n'étaient pas suffisamment renseignés sur les rebelles libyens pour leur fournir éventuellement des armes. "Nous n'avons pas besoin de chercher très loin dans l'Histoire pour trouver des exemples de conséquences inattendues lorsque nous avions fourni des armes à des groupes de combattants que nous ne connaissions pas tel qu'il fallait les connaître. Nous devrions être très prudents avant de se précipiter dans une décision qui pourrait revenir nous hanter", a-t-il dit. M. Rogers faisait allusion, entre autres, à l'Afghanistan où la CIA armait les moudjahidine opposés au gouvernement communiste afghan soutenu par l'ex-URSS. Ce qui contribua à l'affaiblissement du Bloc de l'Est mais favorisa la montée en puissance des Talibans.