Alors que les forces pro-Kadhafi reprennent un avantage sur le terrain, les coalisés qui se sont adonnés à un bombardement et à des attaques aériennes et maritimes depuis une dizaine de jours, s'interrogent – signe de l'échec de leur politique – s'ils doivent armer la rébellion. Le consensus est loin d'être atteint sur cette question. Armer les rebelles libyens serait une mesure «extrême» et susceptible de «diviser la communauté internationale», a estimé ce mercredi à Rome le porte-parole du ministère italien des Affaires étrangères, Maurizio Massari. «Armer les rebelles serait une mesure controversée, une mesure extrême qui diviserait certainement la communauté internationale», a déclaré M. Massari sur Radioanch'io. La question de l'armement des insurgés pour contraindre le leader libyen Mouammar Kadhafi à «partir», a été évoquée hier à Londres lors de la réunion du groupe de contact sur la Libye. La France s'est déclarée prête, par la voix de son ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, à discuter avec ses alliés d'une aide militaire aux rebelles, tout en reconnaissant que ce n'était pas prévu par les récentes résolutions de l'ONU. Interrogé à ce sujet hier sur NBC, le président américain Barack Obama a répondu : «Je ne l'exclus pas. Mais je ne dis pas non plus que cela va se faire.» La Norvège, membre de la coalition internationale chargée de protéger les populations civiles en Libye, a exclu quant à elle, ce mercredi d'armer les rebelles. «En ce qui concerne la Norvège, fournir des armes aux rebelles libyens n'est pas d'actualité», a déclaré la ministre de la Défense, Grete Faremo. lors d'une visite aux équipages des six F-16 norvégiens dépêchés en Crète pour participer aux frappes en Libye. Répondant à une question que lui a posée l'influent sénateur républicain américain John McCain, favorable à l'intervention en Libye, le chef militaire de l'Otan a, pour sa part, indiqué qu'il n'était pas question à l'heure qu'il est d'armer les rebelles : «je n'ai pas fait ou reçu de recommandation.» «Bien sûr, nous n'en sommes qu'aux premiers jours de l'intervention», a-t-il ajouté, alors que plusieurs hauts-responsables de l'administration Obama ont reconnu que la fourniture d'armements aux rebelles était envisagée mais qu'«aucune décision» n'avait été prise. Selon le Wall Street Journal, l'Egypte fournirait des armes aux rebelles et les Etats-Unis seraient au courant, une information ni démentie ni confirmée. D'autre part, le «groupe de contact» sur la Libye a affiché son unité hier à Londres autour du constat que le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi doit partir. Dans la capitale britannique, une quarantaine de pays et d'organisations régionales ont confirmé officiellement la création d'un «groupe de contact» sur la Libye chargé du pilotage politique de l'opération internationale, dont l'Otan doit prendre en main le volet militaire jeudi à 6H00 GMT. «Kadhafi et son régime ont perdu toute légitimité et seront tenus responsables de leur action», a insisté le communiqué final, tout en précisant que «seuls les Libyens» pouvaient choisir leur avenir. La position de la Russie «La Russie estime qu'aucun pays n'a le droit d'armer les rebelles en Libye, en vertu du mandat approuvé par le Conseil de sécurité de l'ONU», a déclaré ce mercredi le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. « Le ministre français des Affaires étrangères a dit que la France était prête à discuter avec ses partenaires de la coalition de la fourniture d'armes à l'opposition libyenne», a déclaré M. Lavrov lors d'une conférence de presse. « Immédiatement après, le secrétaire général de l'Otan a déclaré que l'opération en Libye avait été préparée pour protéger la population et non dans le but de l'armer, et là-dessus nous sommes totalement d'accord avec le secrétaire général de l'Otan », a-t-il ajouté. Moscou a critiqué le soutien militaire apporté de fait, selon M. Lavrov, par la coalition occidentale aux insurgés libyens, y voyant une «ingérence» dans les affaires intérieures de la Libye. Ras-Lanouf repris aux insurgés Les insurgés libyens ont subi un nouveau revers ce mercredi face aux forces du dirigeant Mouammar Kadhafi, qui ont repris le contrôle du site pétrolier de Ras-Lanouf et forcé des rebelles paniqués à se replier plus à l'Est. Les loyalistes ont reconquis dans la matinée la ville de Ras Lanouf conquise de haute lutte par les insurgés le 27 mars. Pris sous d'intenses tirs de chars et d'artillerie, des centaines de rebelles refluaient vers la ville de Brega, qu'ils contrôlent toujours. L'avancée des insurgés, insuffisamment équipés pour faire face à la puissance de feu des loyalistes, a été stoppée ces deux derniers jours par les forces du régime, à la faveur d'une suspension des frappes aériennes internationales dans cette zone. Ras Lanouf est situé à 370 km à l'ouest de Benghazi, le bastion des rebelles dans l'Est, et à 210 km d'Ajdabiya, carrefour stratégique tombé le 26 mars sous le contrôle de la rébellion. «On a un gros souci, on se replie», a expliqué l'un des combattants, alors que des centaines de voitures et pick-up traversaient al-Uqaïla, environ 20 km à l'est de Ras-Lanouf, en direction de Brega, à 240 km au sud du bastion rebelle de Benghazi. «Les troupes de Kadhafi tirent des roquettes et des obus», a-t-il ajouté. La veille déjà, les insurgés, qui progressaient rapidement vers l'ouest en direction de Syrte, ville natale de Mouammar Kadhafi, avaient dû faire demi-tour sous le feu des forces régulières, à plus d'une centaine de kilomètres de leur objectif. « Les hommes de Kadhafi nous tirent dessus aux canons, aux obus de mortier. Quel sort pour Kadhafi ? En dépit de la création d'un « groupe de contact » sur la Libye, les occidentaux qui bombardent depuis près de deux semaines des cibles militaires semblent à la peine dans leur recherche d'une cohésion internationale sans équivoque destinée à faire chuter Mouammar Kadhafi. Exil ou non pour le chef d'Etat libyen, au pouvoir depuis plus de 40 ans ? Aide militaire ou non aux rebelles de Benghazi ? Partage plus ou moins clair des rôles entre le « pilotage politique » des opérations militaires et la direction de ces dernières par l'Otan... Hier, la quarantaine de pays réunis à Londres se sont voulu rassurants et unanimes, avec le constat qu' « un bain de sang a été évité », encore salué hier soir par Barack Obama. Mais sur le fond, plusieurs questions restent en suspens. Fer de lance d'une coalition internationale d'une dizaine de pays, Etats-Unis, France et Royaume-Uni ont parlé d'une même voix pour dire qu'après d'intenses bombardements, « rien n'était acquis » et que la guerre devait « continuer (...) jusqu'à ce que les objectifs de (l'ONU) soient atteints, c'est-à-dire que les populations civiles ne soient plus menacées ». Selon l'Italie, plus de 35 pays les ont rejoints pour ajouter que le nœud du problème était le colonel Kadhafi et que ce dernier devait quitter le pouvoir, même si cet objectif ne figure dans aucune résolution de l'ONU. Les moyens d'y arriver font diverger les membres du tout nouveau « groupe de contact » sur la Libye. Certains évoquent un exil du chef d'Etat libyen, d'autres parlent de sa comparution devant un tribunal pénal international. Sans insister sur cette dernière éventualité, le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a jugé qu'il revenait avant tout « aux Libyens de s'en débarrasser».