Les banques algériennes sont actuellement dans un carrefour d'extensions qui devra les conduire vers un élargissement des produits de la finance islamique, du leasing, du capital investissement et du capital risque, a indiqué mercredi à Alger le Délégué général de l'Association des banques et établissements financiers (ABEF), Abderrahmane Benkhalfa. "Nous sommes (les banques) dans ce carrefour d'extensions car nous avons besoin de diversifier nos produits pour répondre à toutes les catégories de demandeurs", a-t-il déclaré à l'APS en marge d'une journée parlementaire sur les perspectives de la finance islamique en Algérie, organisée par le groupe parlementaire du parti MSP. Pour M. Benkhalfa l'émergence de cette finance reste "tributaire du niveau de bancarisation en Algérie, actuellement faible puisque il n'existe que 1.500 agences bancaires à travers le territoire alors que le minimum exigé est de 3.000 agences". "L'élargissement du réseau bancaire en Algérie contribuera à éviter toute situation de monopole au nom de la finance islamique ou de la finance conventionnelle, car ça permettra d'instaurer la concurrence et la transparence au sein des marchés bancaire et financier", a-t-il expliqué. Quant à l'amendement de la loi sur la monnaie et le crédit, préconisé par certains participants, M. Benkhalfa a souligné que "toutes les lois bancaires, de part le monde, ont été construites sur la base d'une intermédiation basée sur les taux d'intérêt et sont, ainsi, en décalage par rapport aux produits bancaires islamiques". Une "évolution" de la réglementation en question est "sûre", selon lui, mais devrait se faire "sans précipitation" et en "tenant compte de l'intégralité des produits existant sur les marchés bancaires et financiers". La loi bancaire algérienne, à savoir l'ordonnance 03-11 du 26 août 2003 relative à la monnaie et au crédit, ne prévoit pas de dispositions particulières pour les activités bancaires islamiques, ont fait remarquer des parlementaires et experts présents à la rencontre. "Nous souhaitons l'application d'aménagements juridiques en mesure de rendre tout produit conforme à la Charia au même niveau de compétitivité des produits classiques. Ca sera pour nous un ancrage légal qui nous incitera à diversifier les produits financiers en Algérie", a déclaré Fouaz Sid, cadre à la "Société Générale", une banque française privée. "L'intermédiaire (banque) qui pratique la finance islamique commerce avec des biens et services, ce qui implique des surcoûts divers qui rendent plus chers ses produits", a-t-il soutenu. Les principes de la finance islamique ne sont pas contre la rémunération des crédits mais contre une rémunération fixe, appelée "l'usure" ou taux d'intérêt dans la finance conventionnelle. Parmi les instruments de cette finance figure "la Mourabaha", un contrat d'achat et de revente dans lequel la banque achète à un fournisseur un bien matériel à la demande de son client, le prix de revente étant fondé sur le coût plus une marge bénéficiaire. Le "Salam", contrat d'achat comportant la livraison différée des marchandises, utilisé pour le financement de l'agriculture, "l'Istisna", instrument de financement avant livraison, le "Qardh al Hasan" (prêt gracieux) et l'ljara", contrat de crédit-bail par lequel une partie loue un bien pour un loyer et une échéance déterminés, sont les autres principaux outils de cette finance. Selon un exposé du représentant de la banque Essalem-Algérie, Mohamed Hichem Kacimi, les actifs de la finance islamique à travers le monde sont aujourd'hui estimé à 1 trillion de dollars (1.000 milliards de dollars) et devraient augmenter pour atteindre 2 trillions de dollars en 2012, une croissance "très significative pour une finance qui date de quatre décennies à peine", a-t-il dit. Intervenant à son tour, le chargé de mission du ministère français de l'Economie et des Finances, Tantely Randriamanantena a énuméré les multiples amendements introduits sur la législation française pour l'adapter aux produits conformes à la Charia musulmane. Il s'agit, entre autres, des instructions fiscales relatives aux Sukuk, Murabaha, Ijara et Istisna, publiées en août 2010 et d'un accord de principe sur des structures-modèles pour l'émission de Sukuk en droit français, conclu en décembre dernier. D'autres initiatives françaises au profit de la finance islamique sont en cours de parachèvement, a indiqué le représentant français, dont le pays s'intéresse, selon lui, de plus en plus aux produits financiers conformes à la Charia musulmane, en dépit de son attachement à la laïcité. En Algérie où les banques publiques détiennent la part du lion du marché financier, la contribution de la finance islamique varie entre 1 et 3% des marchés bancaires. Il existe actuellement trois banques activant selon les règles de la Charia à savoir la banque algéro-saoudienne Al-Baraka-Algérie, la banque émiratie "Essalam-Algérie" "et la banque koweïtienne Arab Gulf Bank. Une société d'assurances, la Salama, travaille également conformément à ces règles.