Le débat autour de l'article 6 de la loi relative à la cinématographie, soumettant la production de films sur la guerre d'indépendance à l'approbation des autorités politiques, est relancé avec un premier grief du producteur Bachir Derrais qui se déclare, en l'occurrence, "première victime de cet article". "Je suis la première victime de l'article 6 de la nouvelle loi", s'est-il plaint en évoquant son projet de long-métrage sur Larbi Ben M'hidi, qui est "bloqué à cause de lourdeurs administratives engendrées par le même article", selon lui. L'article 6, qui subordonne toute production de film sur la guerre de libération nationale à l'approbation préalable du gouvernement, avait suscité une vive réaction lors de la discussion de la nouvelle loi et son adoption à la fin de l'année écoulée, tant dans le milieu cinématographique que dans les milieux politiques. Des spécialistes du cinéma vont plus loin et considèrent cet article comme étant "la marque d'un retour au monopole de l'Etat sur la production cinématographique". Bachir Derrais estime que l'article pénalise les cinéastes surtout, ajoute-t-il, qu'il reste "vague" sur la partie apte à délivrer l'autorisation. "On est les otages de la nouvelle loi, ne sachant plus à qui s'adresser car deux ministères, celui de la Culture et celui des Moudjahidine, réclament chacun un droit de regard sur les films portant sur la guerre de libération nationale", s'indigne ce producteur qui projette de tourner un film sur la vie de Ben M'hidi. Suite au dépôt du projet de ce long-métrage, une "fiction", précise-t-il, il s'est vu proposer une offre de produire la totalité du film par le ministère des Moudjahidine qu'il a déclinée. Sur les raisons de ce refus, Bachir Derrais a estimé que la "mission" d'un ministère est de "soutenir" la production et non pas de la financer dans sa totalité. "Accepter de se faire produire par un organe de l'Etat, ouvrirait les portes de l'ingérence de ce dernier dans le contenu du film", a-t-il justifié. Ce producteur se soucie, en outre, de la "carrière" d'un film produit par un ministère quand il s'agira de son exploitation et de sa présentation dans les festivals, avant de mettre en garde contre "le risque de le mettre (le film) dans un tiroir et le condamner à l'oubli". Pour Ahmed Rachedi, réalisateur et producteur de plusieurs documentaires et de fictions sur la guerre de Libération, les autorisations pour les films traitant de la guerre de libération nationale "existaient avant la nouvelle loi", sans préciser sa pensée. Les nouveaux textes n'ont fait, selon lui, qu'entériner une "situation de fait", en cours depuis des années, et qui risque d'aggraver davantage, selon les initiés, les lourdeurs administratives, tout en consacrant la censure et le monopole de l'Etat sur la production cinématographique. Son projet de film sur Krim Belkacem, déposé il y a plus de deux ans, "attend toujours l'autorisation finale, après le visa délivré par le ministère des Moudjahidine il y a près de deux mois", a rappelé Ahmed Rachedi.