GUELMA - La culture de la gnaouia (gombo, bamia ou encore corne grecque) s'est sensiblement répandue ces dernières années à Guelma, même si elle demeure surtout concentrée dans la région nord de la wilaya, pour des raisons naturelles et historiques, selon les connaisseurs. D'origine africaine, ce petit légume, dont la coupe transversale laisse apparaître un parfait pentagone, recouvert de soies duveteuses, est longtemps la base d'un plat de luxe, apprécié surtout par une petite minorité de connaisseurs se recrutant généralement chez les citadins et les fins gourmets. Il est aujourd'hui cultivé par bon nombre de petits fellahs, appâtés surtout par son prix qui descend rarement en-dessous des 150 dinars le kg, atteignant même parfois les 300 dinars. La culture de ce légume qui se présente sous la forme de capsules vertes, n'est pourtant pas très exigeante quand les conditions climatiques, requérant beaucoup de soleil, sont réunies. Planté en fin de printemps, il est prêt à la consommation après deux mois, c'est-à-dire en pleine saison estivale et en automne, où il est servi dans certaines fêtes de mariage par des familles qui en apprécient le goût qui rappelle quelque peu celui de la "mloukhia"' (corète potagère). La gnaouia, chasse gardée des cordons bleus Peu populaire, la préparation du plat de gnaouia reste du domaine réservé des maitresses de maison assez "cordon bleu". Toutefois, à Guelma, les gombos sont préparés selon une seule et unique recette : il s'agit d'abord d'équeuter les capsules une à une (un travail, semble-t-il fastidieux), certaines cuisinières poussant le zèle jusqu'à en gratter le duvet et à évider le surplus de graines, avant de les faire frire pour ensuite les plonger dans une sauce rouge préparée avec de la viande de mouton ou de veau "impérativement grasse". Malgré sa rentabilité financière, la gnaouia demeure cultivée à petite échelle par des familles, en appoint aux autres cultures vivrières, sur des superficies non irriguées ne dépassant guère, dans les meilleurs des cas, les 5 hectares. Ces superficies sont généralement situées dans la zone s'étendant entre Guelaât Bousbaâ et Nechmaya, jusqu'à El Barda, aux limites nord séparant les wilayas de Guelma et d'Annaba. Une "valeur refuge" Les agriculteurs et les connaisseurs s'accordent à dire que la nature de ces terres accidentées, situées en dehors du périmètre irrigué et des cours d'eau, se prête bien pour la culture du gombo, devenu une "valeur refuge" pour les propriétaires de ces terrains, quelque peu incultes. La superficie globale cultivée en gombos a atteint, cette année, environ 100 hectares contre 80 l'année dernière, selon les estimations de l'ingénieur agronome Ahmed Bekha qui travaillent pour le compte de la direction des services agricoles à Guelaât Bousbaâ. Jamais une telle superficie n'a été atteinte, selon cet ingénieur qui a tenu à relever que ce légume, riche en vitamines et en oligo-éléments, est l'un des légumes au monde dont le cycle de culture demeure des moins exigeants et des plus faciles. La culture du gombo à Nechmaya, à titre d'exemple, est pratiquée après un labourage superficiel précédant l'épandage d'une petite quantité d'engrais, sans recours à l'arrosage. Le rendement à l'hectare peut être de 15 à 30 quintaux. La culture du gombo qui a longtemps été limitée à certains pays africains, notamment dans les campagnes de l'Ethiopie avant d'être connu en Asie, en Amérique, en Europe et au Moyen-Orient, est arrivée dans la région de Guelma, selon une version populaire, au début des années 50 grâce à un pèlerin de la région qui en ramené la semence et l'a plantée pour continuer à la cultiver jusqu'à sa mort. Aujourd'hui, les fellahs commencent à prendre conscience du "filon" gnaouia qui s'avère assez juteux au vu du prix du légume généralement commercialisé directement par les producteurs eux-mêmes dans la commune de Nechmaya où l'on le retrouve en vente au bord de la RN 21 reliant Guelma à Annaba. Un "'bouquet" subtil Selon Omar B, un maître-queux bien connu sur la place de Guelma, le plat de gnaouia qui peut donner l'impression de dégager un goût plutôt fade, a une saveur incomparable lorsqu'il est correctement préparé. Le ''bouquet'' que dégage le plat de gnaouia servi dans son petit restaurant est, en effet, assez subtil. La consistance quelque peu gélatineuse des capsules de gombos, si elle rebute quelques uns, est, en fait, très recherchée par les connaisseurs. Les yeux pétillants de bonheur d'un quatuor de clients se délectant lentement de leur gnaouia, dans un coin du ''resto'', semblent en tous cas lui donner raison.