ALGER - L'historien français Gilbert Meynier a plaidé, samedi à Alger, pour un manuel d'histoire "commun" et "concerté" élaboré par des historiens d'Algérie et de France, "indépendants" des "pressions officielles" et des "lobbies de la mémoire". "Mon vœu c'est d'aboutir à un manuel d'histoire concerté franco-algérien fait par un comité d'historiens algériens et français, totalement indépendants des pouvoirs et des lobbies de la mémoire", a indiqué M. Meynier lors de la présentation du livre "Pour une histoire franco-algérienne : un ouvrage codirigé avec l'universitaire Frédéric Abécassis. Précisant que ce manuel d'histoire doit être le fruit d'une collaboration intellectuelle et d "échanges "libres" entre historiens des deux pays partageant la même l'histoire, M. Meynier a expliqué que ledit manuel sera destiné aux écoles et universités. Considérant que la conception d'un tel ouvrage ne relevait pas de l'impossible, l'orateur a rappelé qu'un manuel d'histoire concerté franco-allemand a été conçu après une quinzaine d'années de recherche, même si les deux pays "se sont affrontés pendant deux siècles". A propos de son livre, également coédité en Algérie, l'historien a indiqué qu'il s'agissait d'une synthèse du colloque international organisé en juin 2006 à Lyon (France) et qui a réuni 83 chercheurs, universitaires et historiens dont 23 algériens, autour d'une écriture critique et citoyenne de l'Histoire. Le livre a été conçu par 17 participants dans la perspective de présenter la méthode historique pour étudier l'histoire coloniale de l'Algérie et de la France (1830-1962), une méthode basée sur la concertation, a-t-il dit, tout en mettant en avant l'utilité d'une confrontation des points de vue entre chercheurs algériens et français sur la question et d'un travail concerté. M. Meynier a précisé qu'il ne s'agissait pas d'un livre d'histoire mais plutôt un livre pour l'Histoire qui se veut un premier jalon posé par des chercheurs algériens et français pour écrire ensemble l'Histoire franco-algérienne. Concernant l'accès aux archives sur la guerre de libération algérienne, M. Meynier, maître-assistant à l'université de Lyon (France) et auteur de plusieurs publications sur l'histoire de l'Algérie, a recommandé la "vigilance" et une "surveillance" politiques, de part et d'autres, même si la situation, a-t-il estimé, s'est "beaucoup améliorée", en comparaison avec les années passées. A ce propos, la socio-linguiste Khaoula El-Ibrahimi de l'université d'Alger, traductrice vers la langue arabe du livre présenté, a fait savoir que les jeunes chercheurs en histoire faisaient face à de "gros problèmes" d'ordre administratif pour l'accès aux archives sur l'Histoire de l'Algérie. Selon elle, ces problèmes ne concerneraient pas uniquement la période 1954-1962 mais tous les chapitres de l'Histoire de l'Algérie. Elle a, notamment, déploré que des historiens algériens soient "considérés comme persona non grata à l'Institut d'histoire de l'université d'Alger", aussi bien pour animer des conférences, accéder aux archives ou encadrer les jeunes chercheurs en Histoire". Rappelant que la recherche dans ce domaine est liée à la mémoire, l'identité et à la culture, Mme El-Ibrahimi a regretté que "ces contraintes institutionnelles officielles bloquent le travail des chercheurs".